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MON DOC ET MOI : Le stress : Choisir d’en faire un allié! - 2e partie

MON DOC ET MOI : Le stress : Choisir d’en faire un allié! - 2e partie

Choisir de faire du stress un allié vous semble une idée farfelue? Pourtant, c’est le stress qui nous permet tous les jours de nous lever le matin et d’affronter tous les défis du quotidien. Il permet l’activation simultanée de plus de 1400 réactions chimiques dans notre corps afin de pouvoir valser avec les imprévus. C’est aussi lui qui nous permet d’éviter de justesse un accident, de performer lors d’une épreuve ou tout simplement d’accomplir des tâches de la vie de tous les jours avec rapidité et précision. 

Par Dre Catherine Bouchard

Considérer le stress comme un précieux élément de notre boite à outils, c'est tout d’abord bien le comprendre, le reconnaitre, souvent le désamorcer, possiblement le déconstruire, pour faire en sorte qu’il ne s’installe pas de façon chronique dans notre vie.

Petit rappel de l’article précédent
Rappelons-nous que notre système nerveux autonome possède deux « modes » de fonctionnement qui travaillent en équilibre. Le mot « autonome » vient du fait que les différents mécanismes s’activent automatiquement, sans effort.

Le système nerveux sympathique est celui qui nous permet de réagir à un événement physique ou psychologique par la fuite ou le combat. Grâce à la libération de plusieurs médiateurs, le corps se prépare à l’action, libère de l’énergie et « désactive » les fonctions non « utiles » à l’action face à la menace perçue.

Ces fonctions - digestion, repos, détente, guérison, reproduction…- seront « réactivées » lorsque le corps percevra la menace comme loin derrière et le système nerveux sera alors en « mode » parasympathique. L’équilibre entre le système nerveux sympathique et parasympathique est essentiel.

Le reconnaitre pour mieux l’apprivoiser
Être à l’affût des réactions que le stress crée dans notre corps est une excellente façon pour commencer à le reconnaitre pour mieux l’apprivoiser. Bien que ces réactions puissent être la conséquence de bien d’autres problématiques, il faut rester vigilant quant à la contribution du stress si vous observez certaines des réactions suivantes pouvant signifier la suractivation du système sympathique :

  • troubles digestifs : reflux gastro-oesophagien, constipation, ballonnements,
  • irritabilité, épuisement, sommeil plus léger,
  • prise de poids,
  • diminution de la libido.

Chez certaines personnes, l’effet du stress peut aussi se traduire par une hausse de la tension artérielle ou causer des palpitations. Bien sûr, si ces problèmes surviennent de façon répétée ou si l’intensité s’accentue, on conseille de consulter votre médecin afin d’avoir une évaluation appropriée. Mais gardez en tête que ces symptômes peuvent être le signe qu’il est temps d’examiner votre relation au stress de plus près.

Pour moi, le stress, c’est…
Il est très important aussi de s’interroger sur nos préconceptions face au stress, ce qu’on appelle aussi « stress mindset ». Les gens qui perçoivent le stress comme étant négatif, voire toxique, ont tendance à avoir une augmentation plus importante des hormones reliées à la réponse de stress.

Au contraire, voir le stress comme un allié et voir les évènements stressants comme des défis est la première étape pour en faire un bon coéquipier. Des études publiées aux États-Unis et à Londres ont même démontré que les gens qui avaient une préconception positive du stress avaient une meilleure espérance de vie! Assez convaincant pour apprendre à aimer son stress, non?

Vous pourriez me dire que les personnes qui vivent avec beaucoup de stress, comme les personnalités anxieuses, n’auront peut-être pas envie d’en faire l’éloge. Mais pourquoi pas? Les personnes anxieuses sont souvent parmi les plus efficaces, performantes et organisées. Plusieurs chercheurs considèrent même que l’existence des personnalités anxieuses fut un avantage pour la survie de l’espèce humaine. Rien de moins. Commencez-vous à l’aimer un peu plus alors ce fameux stress?

Est-ce que j’ai vraiment envie
de vivre ce stress-là?
Une bonne façon d’éviter les dégâts causés par une explosion est bien évidemment de désamorcer la bombe avant que le décompte n’arrive à zéro… Dans certaines situations, il est possible de désamorcer son stress avant que notre système n’explose. Cela s’applique plus facilement pour des petits agents stresseurs répétés. Par exemple… 

Vous êtes constamment irrité.e. par une situation répétitive qui ne fait que vous affecter davantage d’une fois à l’autre? Un ou une collègue arrive toujours en retard? Vos ados ne vident jamais le lave-vaisselle? Vos enfants éclaboussent inévitablement le miroir de la salle de bain lors du brossage de dents?

Vous avez le choix. Vous pouvez choisir consciemment de laisser entrer le stress en vous ou pas. Au lieu de vous laisser submerger par ces émotions, pourriez-vous les esquiver? Prenez un peu d’altitude et posez-vous la question : « Est-ce que ça vaut vraiment la peine que je me laisse affecter par cette situation? » Cela ne veut pas dire que vous n’interviendriez pas, mais que vous pourriez choisir d’intervenir plus calmement. Notre énergie va là où nous portons notre attention. Est-ce qu’on veut vraiment investir notre énergie dans cette situation ou l’utiliser plus judicieusement dans notre vie? Ce choix devient de plus en plus facile à faire avec de la pratique.

Ruminer ne mène nulle part! Alors…
Portez une attention particulière à vos pensées. Sachez que le cerveau n’aime pas être au repos et que c’est souvent dans les moments où il n’a pas de tâches nécessitant votre attention qu’il va laisser vagabonder son imagination. Ce qui n’est pas mal en soi. Mais si les pensées vagabondes peuvent être créatives, nous rendre plus productif.ve et nous porter vers un sentiment de bienêtre, il faut éviter de tomber dans la rumination.

Des études récentes confirment que les gens qui ont tendance à ruminer sont plus à risque de produire de fortes concentrations d’hormones de stress et de souffrir de troubles psychologiques reliés au stress chronique. Sans oublier que la rumination diminue aussi notre capacité à résoudre des problèmes. Lorsqu’on rumine et que nos mécanismes de stress sont activés, l’éventail de solutions est plus restreint que lorsque nous abordons les problèmes dans un état plus calme.        

Respirez par le… ventre!
Mais que faire si la « bombe » a déjà explosé ou que le stress s’est tout simplement immiscé dans votre quotidien et que vous sentez qu’il vous envahit? Plusieurs techniques faciles, gratuites et accessibles sont à votre portée afin que votre système nerveux autonome retrouve son équilibre.

Bien que le système nerveux s’active automatiquement, il est possible consciemment d’interagir et d’orienter notre corps dans un mode ou dans l’autre. Par exemple, l’activation du nerf vague peut se faire facilement et avoir un résultat instantané. Le nerf vague est le plus long nerf crânien. Il relie le cerveau aux intestins et il est grandement impliqué lors de l’activation du système nerveux parasympathique. Nous pouvons l’activer de plusieurs façons, dont la respiration abdominale, qu’on appelle aussi respiration diaphragmatique.

Donc, le simple fait de prendre des respirations lentes de grandes amplitudes en gonflant le ventre peut aider à retrouver l’équilibre en période de stress. L’activation du nerf vague va diminuer le rythme cardiaque, la respiration et les médiateurs de stress comme par magie. Chanter et rire auront un effet similaire. Saviez-vous que c’est la même région du cerveau, l’hypothalamus, qui contrôle à la fois le stress et le rire? Les chercheurs suspectent que le rire réduit aussi le stress par une action directe sur l’hypothalamus.

Ne dit-on pas que la musique calme les nerfs?
Écouter de la musique est aussi une façon efficace de réduire le stress rapidement. D’intéressantes études ont démontré que notre rythme respiratoire a tendance à vouloir s’harmoniser avec le rythme musical entendu. Il est donc conseillé d’écouter une musique au rythme plus lent et de préférence avec des paroles.

Le cerveau n’aime pas être au repos, mais il n’aime pas non plus faire deux activités cognitives similaires. Par exemple, nous pouvons facilement marcher et parler (activités motrice et verbale), mais il est plus difficile de répondre à ses courriels en soutenant une discussion (deux activités verbales). Ainsi, en plus de ralentir notre rythme respiratoire, la musique douce va « occuper » notre cerveau et possiblement l’éloigner des pensées stressantes ou des ruminations.

Et vive les accolades!
Le contact humain est aussi un atout extraordinaire pour diminuer le stress, études à l’appui. Le soutien social est un facteur déterminant pour diminuer la production d’hormones de stress. Grâce au support qu’il procure, grâce au toucher et au réconfort qu’il apporte, le contact humain offre la possibilité de partager ses émotions et donc d’éviter la rumination. L’isolement social est d’ailleurs une grande source de stress chronique. Le contact avec des animaux est aussi très bénéfique.

L’activité physique est aussi une excellente façon d’aider à mieux gérer notre stress et à rééquilibrer notre système nerveux autonome. Pensez à nos ancêtres, l’activation des mécanismes de stress servait expressément à libérer l’énergie pour pouvoir « chasser » le souper et surtout pour ne pas devenir le souper… Comme nous activons les mêmes mécanismes de stress qu’eux, mais que nous bougeons beaucoup moins, imaginez la quantité d’énergie qui s’accumule dans notre corps à cause de nos stress psychologiques.

Donc, l’activité physique peut non seulement aider à l’équilibre du système nerveux autonome, à libérer l’énergie mobilisée, mais il va aussi aider à la santé du cerveau en favorisant la neurogenèse, soit la production de nouveaux neurones cérébraux. Seulement 15-30 minutes d’exercice suffisent non seulement pour diminuer la réponse au stress, développer nos muscles, mais aussi nos réseaux neuronaux.

La fuite? Pourquoi pas!
Dans son livre Par amour du stress, Dre Sonia Lupien fait l’éloge de la fuite comme outil dans la gestion du stress. Attention, fuite ne veut pas dire évitement, mais plutôt prendre une distance temporaire avec l’agent stresseur pour aider le corps et le cerveau à reprendre le dessus en diminuant l’activation des mécanismes de stress.

Il est souvent très difficile de se détendre quand on fait face à l’agent stresseur un peu comme si on était face au lion. Alors, si vous le pouvez, prenez une distance physique ou psychologique afin que vous puissiez y réagir adéquatement.

Déconstruire son stress,
pour mieux se reconstruire
Saviez-vous que le stress se construit comme une recette? Après plusieurs années de recherche, les chercheurs ont réussi à trouver qu’il n’y a que quatre « ingrédients » dans cette recette et que, bien souvent, il suffit de déconstruire le stress pour mieux le comprendre, pour que le corps ne se sente plus menacé et qu'il baisse la garde.

En effet, pour qu’une situation soit jugée comme une menace, elle doit comporter au moins une des quatre caractéristiques suivantes, souvent notées sous l’acrostiche CINÉ.

  1. Contrôle faible : vous avez le sentiment que vous n’avez pas (ou peu) de contrôle sur la situation. Un de vos enfants décide de quitter les études? Votre conjoint.e démarre une nouvelle entreprise? Une tempête menace le départ de votre vol d’avion?
  2. Imprévisibilité : vous faites face à une situation imprévue ou imprévisible ou vous ne pouvez pas prévoir ce qui viendra ensuite. Un accident ou l’annonce d’une maladie en sont deux exemples.
  3. Nouveauté : la situation est nouvelle pour vous, vous êtes en terrain inconnu, par exemple la première journée d’un nouvel emploi ou encore vous vous retrouvez devant un nouvel outil technologique que vous devez apprendre à maitriser.
  4. Égo menacé : une situation menace votre égo? Vous devez présenter votre projet au travail et vous avez l’impression qu’on ne vous prendra pas au sérieux ou qu’on se moquera de vos habiletés de présentateur.trice?

Malgré plusieurs années à étudier le stress, Dre Lupien et son équipe n’ont jamais trouvé une cinquième caractéristique aux situations de stress. La bonne nouvelle, c’est donc que nous n’avons que quatre ingrédients à « cuisiner » pour être de moins en moins stressé.e. 

Arrêter de se faire « son cinéma »
Déconstruire son stress au quotidien est une des meilleures façons d’éviter de tomber dans le filet du stress chronique. Comment? Lorsque vous sentez le stress vous envahir, observez la situation dans son ensemble et demandez-vous laquelle des caractéristiques du CINÉ est en cause.

Déjà, le simple fait de l’identifier aura comme effet d’apaiser de moitié la réaction, car votre corps réalisera que l'agent stresseur ne « menace » pas réellement votre vie. Vous réaliserez peut-être aussi que certaines caractéristiques du CINÉ reviendront plus souvent que les autres, ce qui vous permettra de mieux les anticiper.

Et finalement, pour que la réaction associée au stress s’apaise complètement, vous pourrez « reconstruire » la situation, c’est-à-dire imaginer quel serait pour vous le scénario idéal afin de donner l’impression à votre cerveau que vous êtes apte à gérer ledit agent stresseur. Eh oui! Vous avez bien lu! Nul besoin de l’éliminer réellement, ce qui serait souvent impossible à faire, il suffit que votre cerveau ait l’impression que la menace est sous contrôle.

Faire comme si? Eh oui!
Pour reconstruire la situation, il est important de trouver une alternative à la caractéristique du CINÉ impliquée. Cette alternative doit vous donner l’impression que, mise en action, elle fonctionnera. Vous pouvez aussi élaborer des plans différents jusqu’à ce que vous trouviez celui qui vous semble le bon, même s’il est farfelu et qu’il est peu probable que vous le mettiez en action. Ici, réalité et fiction font bon ménage.

Prenons l’exemple suivant : vous devez faire une présentation devant vos collègues de travail. Vous avez identifié que ce qui vous stresse, c’est que cette situation menace votre égo (É). Vous craignez qu’on puisse se moquer de vous. Alors, pour déconstruire ce stress, imaginez-vous en train de parler à vos collègues afin de leur expliquer vos appréhensions et réalisez qu’ils ne se moquent pas de vous, au contraire, ils vous trouvent courageux.se de faire cette présentation.

Si cette « reconstruction » ne vous apaisait pas vraiment, vous pourriez élaborer des plans B, C, D dans votre tête jusqu’à ce que vous ressentiez que vous avez la maitrise de la situation. Sachez que plus de 90 % des gens n’auront pas besoin de plans B, C, D. Pourquoi? Les recherches de Dre Lupien ont montré que nous n’avons pas besoin de mettre en action ces plans pour avoir l’impression de maitriser la situation et d’apaiser la réponse de stress.

Et plus encore…
N'oublions pas que la pratique régulière d’activités qui activent notre système parasympathique est essentielle. La méditation, l’exercice, le yoga, la marche en nature, les exercices de respiration n’en sont que quelques exemples. J’aime aussi beaucoup la cohérence cardiaque parce qu’elle se pratique n’importe où et n’importe quand. Seulement cinq minutes, trois fois par jour, et le tour est joué!

Mais surtout… N’hésitez pas à consulter si vous vous sentez envahi.e par le stress et que vous ne sachiez plus comment vous en sortir.

Pour finir en beauté
J’ai envie de terminer en vous laissant sur les mots de Dre Lupien dont je conseille fortement la lecture de son livre. « Le stress, c’est cool. C’est l’arme qui nous permet de combattre les menaces de la vie. Bien contrôlé, le stress est notre meilleur allié. Il ne nous laissera jamais tomber. Jamais. C’est d’ailleurs pour cela qu’il ne s’en va… jamais! » Aimez votre stress ! C’est le premier pas vers une vie à la fois plus légère et plus équilibrée!

Référence :

  1. Lupien, Sonia (2020). Par amour du stress. Mont-Tremblant, Éditions Va savoir. P.151.

 

Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article

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