Le début d’une nouvelle année est toujours un moment propice pour faire le bilan de notre vie. C’est le moment de prendre un peu d’altitude pour mieux regarder l’ensemble de nos choix, de nos actions passées. Cet instant d’introspection nous permet de choisir nos résolutions pour l’année à venir.
Par Catherine Bouchard
Parmi tous les souhaits qui sont échangés en début d’année, la santé demeure incontestablement au premier rang de ce que nous nous souhaitons les uns les autres.
Comme l’année 2024 est encore toute jeune, j’ai pris moi aussi le temps de réfléchir au passé pour bien préparer le futur. Je pense à ma profession, ma famille et ma santé. Mais… qu’est-ce que c’est que la santé au juste? Pensez-y un instant… Quelle est la définition de la santé, pour vous.
Quelles sont les règles du jeu?
Je vous avouerai que c’est un peu déstabilisant pour une professionnelle de la santé, de se poser cette question et d’avoir un moment d’hésitation avant d’y répondre… Si on demandait à un architecte de définir ce qu’est l’architecture, nous imaginons bien la facilité avec laquelle il nous répondrait. Ou encore si nous demandions à un coach de hockey de nous définir ce qu’est le hockey. Les yeux brillants, il décrirait les règles du jeu avec précision.
Mais quelles sont-elles ces fameuses règles du jeu en santé?
La santé pour moi, c’est…
D’entrée de jeu, on pourrait citer la définition de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui nous dit que : « La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, et qu’elle ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. » Mais au-delà de cette définition, notre vision de la santé peut être bien différente de celle de notre voisin.
Certains modèles ont été décrits, et bien que l’un n’ait pas une meilleure valeur que l’autre, ils peuvent nous aider à réfléchir à ce que veut dire la santé pour nous. Le modèle médical de la santé perçoit le corps un peu comme une machine, la maladie révélant que quelque chose s'est « brisé » et qu’on doit le « réparer ». Même si ce modèle semble un peu réducteur, l’idée sous-jacente ne l’est pas et l’intention de « réparer » est louable et pleine de sens.
Le modèle holistique est un peu similaire, mais il inclut la santé psychologique et les aspects sociaux dans l’équation. Et il y a le modèle Bienêtre global (wellness), où on voit la santé comme un état dynamique et non statique. Dans cette approche, on réalise que la notion de santé et de bienêtre peut même s’appliquer malgré la présence de maladie, la santé étant vue comme un chemin plutôt qu’une destination.
Médecine intégrative et fonctionnelle
Les approches en santé sont variées et la vision de la médecine est en constante évolution. Nous parlons de plus en plus de collaboration interprofessionnelle, de médecine intégrative et fonctionnelle. La médecine intégrative considère l’individu dans sa globalité et associe les approches complémentaires à la médecine conventionnelle.
En médecine fonctionnelle, on change un peu nos lunettes. On cherche à identifier la maladie à sa source. On se questionne sur la cause fondamentale de la maladie et on cherche quel dysfonctionnement dans notre corps est à l’origine des symptômes qui se sont développés. Afin de mieux vous expliquer la distinction entre ces approches, j’ai envie de vous parler de mon cheminement au travers de celles-ci.
Au tout début…
J’ai commencé ma pratique en 2008. Comme toute bonne finissante en médecine, je voulais mettre à profit les connaissances acquises pendant toutes ces années afin d’aider le plus de gens possible à guérir ou, en d’autres mots, à « réparer » ce qui s'était « brisé ».
J’ai alors travaillé dans les salles d’urgence où la majorité de mon travail consistait à traiter les problèmes de santé « aigus » – par exemple des infections ou des traumatismes – en appliquant les algorithmes indiqués.
Après quelques années, mes choix familiaux et personnels ont fait bifurquer mon parcours professionnel vers une pratique tout à fait différente. J’ai alors pris la décision de délaisser les salles d’urgence pour aller vers un nouveau défi, soit celui de « prendre en charge » plusieurs patients et de les accompagner sur le plan de leur santé. Cela impliquait la gestion des maladies qualifiées « chroniques », telles que diabète, hypertension, dyslipidémie, douleurs chroniques, maladies auto-immunes, etc.
Malgré mes algorithmes de traitement et mes connaissances médicales, je me suis heurtée à un défi de taille dont je n’avais absolument pas estimé l’ampleur. J’ai réalisé que je ne pouvais pas soigner la maladie chronique avec la même vision que j’avais des maladies aigües. Avec les approches pharmacologiques de ma boite à outils, j’aidais mes patients à normaliser leurs paramètres de laboratoire, et très certainement à freiner l’évolution de leurs maladies, mais je me sentais bien inutile pour leur offrir santé et vitalité à l’aide d’un « pad » d’ordonnances.
Revenir à la source
Je me suis alors intéressée à la cause fondamentale des maladies afin de voir si, sur ce plan-là, je pourrais trouver certaines pistes de réflexion. Grâce à une approche en médecine fonctionnelle, à laquelle je me suis formée, j’ai « réappris » plusieurs pathologies afin de pouvoir les approcher avec une vision plus globale.
Un bon exemple c’est celui du diabète de type 2. Au départ, je croyais que le diabète de type 2 était une maladie chronique et irréversible menant inexorablement vers des complications majeures telles que maladies cardiaques ou rénales.
À son origine, le diabète de type 2 résulte d’une adaptation du corps à la suite d’une surconsommation de glucides. Afin de gérer ce surplus de glucides, le corps va sécréter toujours plus d’insuline, l’hormone qui va permettre aux glucides d’entrer dans les cellules afin que le corps puisse l’utiliser comme source d’énergie ou l’emmagasiner sous forme de gras pour une utilisation ultérieure.
Comme le corps est constamment « bombardé » d’insuline, les cellules vont réagir de moins en moins à l’insuline pour ensuite devenir « résistantes » à cette hormone. Mais comme le corps doit s’assurer que le sucre entre bien dans les cellules, il va lui-même produire de plus en plus d’insuline pour s’en assurer. Éventuellement, il atteindra sa capacité maximale, mais pour réussir il aura dû faire plusieurs adaptations néfastes. Résultat, le diabète va se développer pour être finalement diagnostiqué.
Choisir d’agir en aval
Pourquoi vous expliquer tout ça? D’une part pour vous montrer que les maladies chroniques ne surviennent pas du jour au lendemain et que nous pourrions agir bien avant que le diagnostic ne tombe. D’autre part, je veux vous dire qu’au-delà de la médication qui sera prescrite pour stabiliser cette condition, en l’occurrence le diabète, nous pouvons aussi aider le corps à renverser la vapeur et stabiliser la situation et peut-être même, dans certains cas, à renverser la maladie.
Dans ce cas-ci, il serait conseillé de manger moins de glucides et d’opter pour des habitudes de vie favorisant la resensibilisation des cellules à l’insuline, comme le fait d’avoir un sommeil réparateur, une meilleure gestion du stress et faire de l’exercice.
Habitudes de vie et prévention
Depuis de nombreuses années, plusieurs études scientifiques nous révèlent que la majorité des problèmes de santé chroniques sont intimement reliés à notre mode de vie. Publiée il y a déjà 20 ans, l’étude INTERHEART qui avait étudié plus de 30 000 personnes avait révélé qu’en portant attention aux facteurs et aux maladies reliés aux habitudes de vie, nous pourrions prévenir 90 % des évènements cardiovasculaires.
Une autre étude publiée en 2009 laissait présager qu’en adoptant quelques interventions mineures reliées au mode de vie, nous pourrions prévenir la majorité des diagnostics de diabète, d’infarctus, une proportion importante des accidents cérébraux vasculaires et des cancers. Ces études ont démontré qu’en corrigeant les habitudes de vie, nous nous attaquons à la cause des maladies, intervention qu’aucun traitement médical ne peut égaler.
Et la génétique dans tout ça?
Vous me direz peut-être que ce sont nos gènes qui définissent notre santé. Eh bien… oui et non! La génétique peut certainement refléter un certain risque que nous avons de développer des maladies, mais la science de l’épigénétique nous apprend que notre mode de vie module l’expression de plusieurs de nos gènes.
Donc, même si nous sommes issus d’une lignée familiale ayant eu certaines maladies chroniques, notre mode de vie peut en décider tout autrement en ce qui a trait à notre santé.
Quand les bienfaits s’enchainent
Loin de moi l’idée de dire que les traitements médicaux conventionnels sont futiles. Absolument pas! Mais conjointement à ceux-ci, pourquoi ne pas traiter la maladie à sa source quand nous le pouvons? Lorsque le robinet est ouvert et que l’eau coule jusqu’à l’étage d’en dessous, oui nous devons assécher le plancher, mais nous pouvons aussi monter à l’étage et fermer le robinet. Malheureusement, nous nous concentrons encore trop souvent à chercher la meilleure serpillère…
J’ai plusieurs exemples en tête de patients ayant eu de belles réussites justement parce que nous avons traité la maladie en remontant à sa source. Je pense particulièrement à un patient diabétique qui avait choisi de changer son alimentation en diminuant les aliments transformés et les glucides. Il a ainsi amélioré non seulement son diabète, mais aussi son hypertension. Grâce au poids qu’il a perdu par ses changements alimentaires, il a repris l’exercice et cela l’a aidé à mieux gérer son stress et, au bout du compte, à mieux dormir.
L’effet domino au diapason de la santé
L’effet domino a fait qu’en seulement quelques mois nous avons pu cesser presque toute sa médication, même celle reliée à ses douleurs d’arthrose et à sa dépression. Grâce aux changements apportés à ses habitudes de vie, le corps avait retrouvé son équilibre et plusieurs problèmes de santé s’étaient améliorés ou même résolus.
Je n’oublierai jamais ce moment où, dans les yeux de ce patient, j’ai vu la santé et la vitalité. Le message n’était pas de se dire que « cette recette » était la solution pour tous, mais plutôt de se dire qu’il y a souvent quelque chose à faire pour notre santé et que nous pouvons tous trouver notre recette. Il va sans dire que tout changement important apporté à notre mode de vie, et fait dans le contexte d’un problème de santé ou de la prise de médication, se doit d’être fait sous l’œil attentif d’un professionnel de la santé.
Mitochondries et microbiotes, des miracles de la Vie
Riche de cette nouvelle façon d’aborder la santé grâce à mon cheminement professionnel, j’ai aussi réalisé à quel point, dans le corps, tout est interrelié d’une façon à la fois simple et complexe. J’ai pu constater tout le pouvoir de la nutrition fonctionnelle. J’ai revisité le merveilleux monde des mitochondries – ces petits organites qui créent l’énergie dans notre corps – , du microbiote et de l’importance de toutes nos hormones.
J’ai surtout réalisé l’importance des fonctions fondamentales de notre corps, par exemple la digestion, la respiration et le sommeil. J’ai constaté qu’à la base des maladies chroniques, il y avait toujours un déséquilibre relié à un ou plusieurs des cinq piliers de la santé : le sommeil, l’alimentation, l’exercice, la saine gestion du stress et la connexion (aspect social, communautaire et spirituel).
D’ailleurs, de plus en plus de médecins s’intéressent à ce qu’on appelle le « Lifestyle medicine », une médecine axée sur les habitudes de vie. Ils abordent ces notions lors des rendez-vous médicaux avec leurs patients, et les résultats parfois spectaculaires.
Des piliers incontournables en santé
Au-delà de mes algorithmes, bien qu’étant guidée par ceux-ci, j’ai réalisé l’importance de la personnalisation de l’approche en santé et de l’intégration non négociable des piliers de la santé lors d’une bonne évaluation médicale. C’est aussi au sein de ces piliers que nous verrons naitre la véritable prévention.
Non pas la prévention qui est faite par le dépistage précoce d’une maladie, mais plutôt celle que nous faisons en empêchant que celle-ci se développe. Ainsi la santé s’installe lorsqu’on met en place tous les éléments pour optimiser les fonctions de notre organisme. C’est à ce moment-là que la « magie » opère…
On est plus fort à plusieurs que seul
Mon parcours m’aura aussi fait réaliser que pour avoir une approche complète, tout ne se passe pas dans le bureau du médecin. Une équipe de professionnels peut être mise à profit afin de réunir toutes les expertises nécessaires pour toucher toutes les facettes de la problématique de santé. J’ai aussi compris qu’il faut avoir une vision plus globale et réaliser que, pour soigner des problèmes de santé chroniques, il n’existe aucune pilule, supplément ou thérapeute miraculeux!
Il existe d’abord et avant tout Nous. Notre santé nous appartient et il est de notre devoir d’en prendre soin. À son tour, notre corps se fera un plaisir de nous remercier, car grâce aux conditions optimales que nous aurons su mettre en place, il pourra reprendre son chemin vers la santé.
Le capitaine, c’est Vous!
Je suis bien consciente que certains problèmes de santé chroniques sont plus complexes que d’autres et que la création d’une bonne équipe de professionnels devient un atout important. Mais on doit SURTOUT réaliser que « le capitaine de cette équipe » ne doit pas être l’un de ces professionnels, mais bien Vous… à la tête de cette belle mission qu’est VOTRE santé. À la lumière des recommandations des professionnels de votre équipe, vous serez le mieux placé pour les intégrer à votre vie.
Alors, où commence-t-il ce chemin vers la santé? Bonne nouvelle, vous y êtes déjà! Que vous soyez en santé ou pas. Que vous soyez déjà accompagné par des professionnels de la santé ou pas. Il y a toujours quelque chose que vous pouvez faire pour améliorer ou conserver votre santé.
La santé est un chemin
Avec mon expérience, je vous dirais que, peu importe la maladie, prioriser les piliers de la santé est certainement le bon premier pas à faire. Lequel des cinq piliers? Celui qui vous semble le plus accessible!
Pour certains, ce sera d’optimiser le sommeil, pour d’autres ce sera de faire quelques modifications dans leur assiette. N’hésitez pas à aller chercher des conseils et à former votre propre équipe, sans jamais oublier que vous en êtes le chef. Célébrez les victoires, notez le bienêtre s’installer et observez l’effet domino. Et surtout… Rappelez-vous que la santé est un chemin et non une destination.
Maintenant c’est à votre tour de vous demander ce que la santé représente pour vous… Et c’est à mon tour de vous souhaiter une bonne et belle année à venir. Je lève mon verre… à Votre santé!
Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article