Avec la saison des rhumes qui nous guette, il est normal de redouter l’éternelle goutte au nez, l’éternuement à répétition et la fièvre imprévue du lundi matin. Si nous sommes prêts à nous cloitrer derrière une muraille de boites de mouchoirs et de bouteilles de sirop, comprimés ou suppléments de toutes sortes, il serait peut-être intéressant de se demander si nous ne pourrions pas nous aider autrement.
Par Dre Catherine Bouchard
Comme le corps possède une multitude de mécanismes de défense qui sont toujours prêts à agir, même quand le virus ne s’est pas encore pointé le bout du nez, peut-être pourrions-nous aider notre corps encore plus efficacement!
Un système en constante évolution
Il est vrai que plusieurs redoutent la rentrée scolaire ou l’entrée en garderie pour leurs enfants, moments souvent synonymes d’infections à répétitions, de fièvre au moment de partir pour l’école et de nuits ponctuées de mille éternuements. Mais sachez que, au même titre que votre enfant se rend à l’école pour apprendre et évoluer, notre système immunitaire apprend et évolue aussi au fil des infections, le rendant plus fort et mieux préparé pour la prochaine fois.
En fait, notre système immunitaire est un précieux allié qui travaille sans relâche 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, pour nous maintenir en santé. Il travaille aussi en harmonie avec notre environnement afin de maintenir un équilibre qui pourra nous permettre une santé optimale. Mais avouons que nous ne lui rendons pas toujours la tâche facile avec notre mode de vie actuel…
Ennemis en vue?
Notre système immunitaire agit comme un système de défense pour nous protéger contre tous les pathogènes qui se trouvent dans notre environnement, un pathogène étant ici un organisme capable d’infecter son hôte et de produire une maladie. On compte parmi eux les bactéries et les virus. Chaque jour, notre corps est exposé à des millions de pathogènes. Le but du système immunitaire n’est pas de tous les neutraliser, mais plutôt de travailler en harmonie avec eux dans le but de maintenir l’équilibre, d’éviter l’infection et de préserver notre santé.
Il existe deux grandes catégories de réactions de notre système immunitaire soient : l’immunité non spécifique (immunité innée) et l’immunité acquise (immunité adaptative). Nous venons donc au monde avec un système immunitaire qui s’ajustera tout au long de notre vie pour devenir de plus en plus efficace.
Immunité innée
Notre système immunitaire inné comprend non seulement toutes les barrières physiques telles que la peau et les muqueuses, mais aussi les barrières chimiques telles que les larmes, la salive et l’acide sécrété par notre estomac. Nos larmes et notre salive contiennent notamment des enzymes permettant une défense contre les pathogènes. Le système immunitaire inné comprend aussi certaines réactions réflexes, la toux étant un bon exemple.
Plusieurs cellules de défense travaillent constamment pour éviter l’infection. Certaines vont permettre la détection de pathogènes, d’autres s’y attaqueront directement, tandis que des cellules permettront la libération de messagers qui déclencheront des processus inflammatoires afin de combattre l’infection. La réponse inflammatoire, élément important de nos réactions immunitaires, créera l’apparition d’une rougeur, de l’œdème, de la chaleur et de la douleur.
Mais le but de l’inflammation n’est pas de vous incommoder, elle permet d’attirer des cellules de combat comme les phagocytes capables d’engloutir les agents. L’inflammation est donc un processus positif pour le corps, mais seulement s’il est régulé et ne devient pas chronique.
Immunité adaptative
Ainsi, lors d’une infection par un pathogène spécifique, la réponse immunitaire innée est la première réponse immédiate du corps et elle sera sensiblement la même pour tous les pathogènes. Si jamais la réponse immunitaire innée ne suffit pas et que la quantité de pathogènes continue de proliférer, une réponse immunitaire plus spécifique sera activée par les processus de l’immunité acquise (adaptative). Cette forme d’immunité se développe durant toute notre vie et elle nous permet d’acquérir une certaine « mémoire » des infections.
En passant au travers de la première ligne de défense, les pathogènes rencontreront alors des globules blancs qui vont préparer le corps à une réponse plus adaptée et plus précise − en cas de rencontre subséquente − grâce à la présence des anticorps et autres cellules de défense telles que les lymphocytes T cytotoxiques qui sont capables de reconnaitre les cellules infectées et de s’en débarrasser. Notons que ces types de lymphocytes sont aussi capables de reconnaitre d’autres cellules anormales telles que les cellules cancéreuses. Notre système immunitaire est donc un système important dans la protection précoce contre les cancers.
Si tout va bien…
Si tout se passe bien, notre système immunitaire empêchera l’infection, la combattra et/ou se préparera pour encore mieux réagir au même pathogène une prochaine fois. Mais comme pour n’importe quel processus du corps humain, un dérèglement du système immunitaire peut aussi causer des problèmes de santé, par exemple lorsqu’il confond le pathogène avec nos cellules normales.
Ce processus est aujourd’hui connu sous le nom de maladie auto-immune. Notre corps peut alors s’attaquer à des cellules à certains endroits du corps tels que les articulations dans le cas des arthrites inflammatoires, ou de la glande thyroïde comme dans la thyroïdite d’Hashimoto considérée comme la cause la plus fréquente d’hypothyroïdie. D’autres dérèglements du système immunitaire sont impliqués dans les allergies, certains problèmes de peau tels que l’eczéma, le cancer et certaines maladies associées à l’inflammation chronique.
Un petit voyage dans le temps
Il faut remonter aux années 1600 avant que le Dr Robert Hooke ne découvre l’existence des micro-organismes. Ce fut ensuite grâce aux observations du Dr Semmelweis, en 1846, qu’on se mit à suspecter les micro-organismes comme pouvant être la cause de maladies. Finalement, ce seront les travaux de Louis Pasteur qui auront permis de mettre en lumière l’importance des règles de l’asepsie. L’accent a par la suite été mis sur les pathogènes et la façon de les détruire.
Si les traitements développés ont pu améliorer grandement l’espérance de vie des gens, cette vision nous a malheureusement fait oublier que le système immunitaire est un écosystème en constante harmonie avec plusieurs micro-organismes bénéfiques pour notre santé et que cet écosystème est en relation intime avec l’ensemble de notre corps et donc de notre santé globale. Notre mode de vie étant directement impliqué dans le développement de notre système immunitaire qui, en retour, est étroitement relié à notre santé, alors comment faire pour que notre système immunitaire soit le plus fort possible?
Quand l’inflammation perdure
Je vous disais précédemment que l’inflammation est un élément important de notre système immunitaire. Cependant, notre mode de vie actuel nous fait courir le risque que cette inflammation se chronicise, et épuise les ressources de notre système immunitaire, rendant ses réactions aux nouveaux évènements beaucoup moins efficaces.
En d’autres mots, en créant et en maintenant une inflammation constante dans notre corps, nous le rendons beaucoup moins efficace en cas de besoin. Nous devenons beaucoup plus fragiles aux infections et notre récupération sera beaucoup plus lente. Si plusieurs choses de notre mode de vie peuvent être à la source de cette inflammation, les deux principaux coupables sont l’alimentation et le stress chronique.
On ne le dira jamais assez…
L’alimentation nord-américaine standard contient plusieurs aliments ayant le potentiel de créer une réaction inflammatoire dans notre corps. Les sucres et grains raffinés, les aliments transformés et les huiles raffinées sont malheureusement trop présents dans nos paniers d’épicerie. Non seulement associés à une mauvaise santé métabolique, ils sont surtout associés à une dysfonction de notre système immunitaire.
Leur potentiel inflammatoire est une des raisons, mais l’impact qu’ils ont sur notre tube digestif est aussi à considérer. En effet, notre intestin est un pilier important du système immunitaire non seulement parce qu’il contient une grande partie de nos cellules immunitaires, mais aussi parce qu’il héberge notre microbiote intestinal, un écosystème de bactéries fortement impliqué dans notre immunité.
Protéger pour être mieux protégés
Il est aussi d’une importance capitale que notre tube digestif accomplisse bien ses fonctions de barrière en ne laissant passer que ce qui est important, comme les nutriments de notre alimentation. Une alimentation riche en aliments inflammatoires peut rendre notre intestin plus perméable et laisser passer des « intrus » dans notre corps, ce qui va engendrer une suractivation de nos systèmes de défense.
En plus d’épuiser notre système immunitaire, l’alimentation nord-américaine standard est souvent pauvre en aliments nutritifs, provoquant ainsi des carences majeures en vitamines et minéraux essentiels à son bon fonctionnement, tel que les vitamines A, C, D et des minéraux tels que le magnésium et le zinc.
Que privilégier?
Alors, comment bien nourrir notre microbiote, prendre soin de notre intestin et fortifier notre immunité? En choisissant une alimentation inspirée de la méditerranée incluant du poisson (riche en oméga-3), des fruits de mer (riches en zinc) et une diversité de fruits, légumes, herbes et épices capables de combler nos besoins en vitamines et minéraux. Les fruits et légumes colorés regorgent de phytonutriments qui sont de précieux atouts pour notre immunité, notamment les polyphénols de l’huile d’olive et l’allicine de l’ail et de l’oignon.
Les polyphénols ont des effets anti-inflammatoires, antioxydants et antimicrobiens naturels. Lorsque cela est possible, acheter des aliments biologiques et consommer des aliments fermentés peut aussi donner un bon coup de pouce pour une santé optimale de notre tube digestif. Notre alimentation est parmi les façons les plus faciles pour fortifier son immunité.
Quand le stress s’en mêle
Le lien entre le stress et l’immunité est largement étudié. Bien que des épisodes de stress aigus et de courte durée puissent être associés au développement d’une résilience face au stress et d’une saine immunité, le stress prolongé notamment par la libération du cortisol, entraine un effet négatif sur notre immunité, particulièrement l’immunité adaptative. Des études faites sur des étudiants en période d’examen ont révélé une diminution notable de plusieurs paramètres de l’immunité. Imaginez lorsque le stress perdure plusieurs années…
Apprivoiser son stress et bien l’équilibrer n’est pas toujours facile, mais plusieurs choses peuvent aider à en mitiger l’effet tel que les techniques de respiration comme la cohérence cardiaque, le yoga, la pleine conscience, l’activité physique et la méditation pour ne donner que quelques exemples. D’ailleurs une étude publiée tout récemment dans le magazine Brain, Behavior & Immunity a pu démontrer que la pratique de la méditation avait un impact significatif et positif sur le risque de contracter une infection et sur la durée de ladite infection.
Bien dormir
Et pour mettre toutes les chances de notre côté et se prémunir contre les infections saisonnières, une autre clé est le temps que nous accordons à notre sommeil. Il est démontré que la mélatonine, une des hormones impliquées dans le sommeil, joue un rôle important sur le système immunitaire.
Les études prouvent qu’une restriction du temps de sommeil, comme dormir six heures plutôt que huit, augmente de 400 % le risque d’une infection virale. Le manque de sommeil nous prédispose non seulement à attraper les mauvais virus, mais à prolonger le temps de récupération. Prioriser un sommeil de qualité, soit de 7 à 9h pour les adultes, de 10 à 12h pour les enfants est donc une stratégie gagnante pour tenir les virus à l’écart.
Bien bouger
L’exercice est aussi un pilier important pour l’immunité. La pratique régulière d’activité physique a un effet anti-inflammatoire et aide aussi notre corps à avoir une immunité plus forte. Mais attention… Le surentrainement peut avoir un effet inverse.
Le fait de ne pas attribuer assez de temps à la récupération entre des périodes d’entrainement peut diminuer la réponse immunitaire générale. Cela dit, si on écoute bien son corps et que l’on alterne les exercices d’endurance et de musculation avec des périodes de repos, nous mettrons encore plus les chances de notre côté pour être prêts si un virus se pointait.
Les infections courantes sont souvent la raison pour laquelle nous gardons à la maison une petite pharmacie regorgeant de toutes sortes de vitamines, suppléments, mais aussi de médicaments et sirops aux couleurs éclatantes, mais aux saveurs souvent épouvantables.
Et les vitamines dans tout ça?
Bien que l’alimentation est LA façon d’emmagasiner vitamines et minéraux, certains suppléments peuvent être intéressants lorsqu’on pense à l’immunité. La vitamine D est l’une des vitamines les plus importantes à cet égard. L’exposition au soleil étant notre source première de vitamine D, vous comprendrez pourquoi les gens de plusieurs régions du globe ont des carences. Une étude faite sur 19 000 personnes a démontré que ceux ayant des taux plus faibles de vitamine D étaient plus à risque de contracter des infections virales. Une autre carence fréquente est la carence en magnésium. Le magnésium est non seulement important pour plusieurs fonctions du corps, mais aussi pour l’activation de la vitamine D.
Et la fameuse vitamine C? Les études semblent révéler que la prise de vitamine C peut réduire la durée de la maladie, mais ne semble pas diminuer la fréquence des infections. La prise de supplément de zinc semble aussi avoir un certain intérêt dans la diminution de la durée des infections virales. Les probiotiques peuvent également être intéressants en prévention de certaines infections. À chacun de choisir ce qui a le plus de sens pour lui…
P’tite visite à la pharmacie
Les tablettes des pharmacies regorgent de plusieurs comprimés et sirops pour le rhume et la grippe. Tout d’abord il est important de réaliser que ces produits ne vous empêcheront pas d’attraper le virus et ne diminueront pas la durée de la maladie. Ils peuvent cependant vous aider à la traverser en atténuant les symptômes. Je vous conseille fortement de discuter avec vos professionnels de la santé avant la prise de produits de santé naturels ou médicaments afin que vous soyez adéquatement conseillés pour votre état de santé, surtout considérant que la prise de ces produits peut avoir une interaction avec la prise de médicaments.
Vous trouverez aussi en pharmacie les solutions nasales salines qui se veulent des outils simples et intéressants. La solution saline permettrait le nettoyage des voies nasales et un meilleur fonctionnement de nos barrières immunitaires locales.
Et les antibiotiques?
J’en profite pour rappeler de faire une utilisation judicieuse des antibiotiques, bien que les antibiotiques soient de précieux outils pour traiter certaines infections. Il faut se rappeler qu’ils sont conçus pour les infections bactériennes et qu’ils ne doivent pas être utilisés en cas d’infections virales.
L’utilisation injustifiée des antibiotiques peut non seulement causer des effets secondaires et contribuer au développement de résistance aux antibiotiques, mais elle peut aussi provoquer des changements importants de votre microbiote qui pourront perdurer plusieurs mois. Donc… prudence!
Et si on adoptait une autre tactique…
Alors… Pourquoi ne pas voir votre prochaine « saison des rhumes » avec un œil différent… La voir comme un moment pour faire équipe avec votre système immunitaire et lui donner tout ce dont il a besoin pour que vous ne soyez plus jamais obligé de vous enfermer dans une forteresse de mouchoirs… Vous en sortirez non seulement le nez moins irrité, mais surtout avec une plus grande vitalité!
Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article