« C'est seulement ici, dans la vie terrestre, là où se heurtent les contraires, que le niveau de conscience peut s'élever. Cela semble être la tâche métaphysique de l'homme… » Carl Gustav Jung
Par Lucie Douville, Éditrice
J'aime infiniment cette citation du psychiatre Carl Gustav Jung tirée du livre de Frédéric Lenoir : Jung un voyage vers soi. Avec lui, tentons de capter l'essence de Jung, cet homme inclassable, et dont la pensée revient en force aujourd'hui pour nous inspirer.
Frédéric Lenoir, après avoir étudié Spinoza, d’où vient votre intérêt pour Jung? Quel lien faites-vous entre ces deux grands penseurs qui ont trois siècles d'écart?
Si ces deux hommes sont très différents, ils possèdent des points communs fondamentaux, dont celui d’être très en avance sur leur temps. Ce sont deux personnalités extrêmement intuitives qui ont compris des choses bien avant tout le monde. Bien que Spinoza soit très rationnel, pour lui, les vérités les plus profondes ne peuvent pas être atteintes par la raison, mais par l'intuition. Si la raison est limitée par l'espace-temps l'intuition, elle, ne l'est pas! Jung dit exactement la même chose.
Jung définit l'âme comme étant la globalité de la psyché humaine, n’est-ce pas?
Tout à fait. Et cette globalité tend vers la réalisation du soi, c’est-à-dire l'émergence de notre être profond, au-delà du moi. Pour Jung, nous avons accès à trois entités : le moi, l'inconscient personnel et l'inconscient collectif. Pour lui, le moi conscient, c'est la conscience que nous avons de nous-mêmes et du monde.
Et qu’est-ce que l’âme et quel est son lien avec la matière?
Il ne sait pas très bien ce qu'est la matière. Il ne sait pas très bien ce qu’est l'esprit, ni le lien qui les unit. Mais il réfute l’idée que l'âme ou l’esprit viennent de la matière. Il ne croit pas non plus qu’ils viennent d'une dimension de l'au-delà, une dimension divine. En fait, il n'en sait rien. Il constate simplement ces deux dimensions et il reste ouvert. J'adore chez lui son ouverture d'esprit.
Pour lui, l’expérience intérieure du sacré est essentielle. Il disait : « Qu'on le veuille ou non, la question du divin s'impose ».
Oui! C’est cette dimension sacrée, propre à la psyché humaine, qui nous permet de vivre une expérience de transcendance, une expérience mystique qui est universelle. Jung l’a expérimentée lui-même dans sa vie intérieure.
Pour lui, l’expérience du sacré, c'est la rencontre avec « quelque-chose » qui nous dépasse, qui nous fait grandir, qui nous émeut, qui nous bouleverse, que les religions ont nommée de plusieurs manières : l'éveil, Dieu, etc. Pour Jung, avoir une vie spirituelle, une vie symbolique, nous aide à vivre, à donner du sens à notre vie, car les gens qui n'ont pas de sens sont malheureux.
Comment la pensée de Jung peut-elle nous éclairer aujourd'hui dans notre quête de sens vu le processus initiatique dans lequel nous a toutes et tous plongés la pandémie?
Nous devons comprendre que notre évolution est à la fois un chemin et un objectif. L'objectif c'est de s'accomplir en tant qu'être humain. C'est devenir soi. Nietzsche a d’ailleurs dit une phrase qui a profondément inspiré Jung : « Deviens qui tu es ». C’est notre objectif.
Et c’est parce que nous avons cet objectif que nous mettons tout en œuvre pour y arriver et que la Vie va aussi nous aider à y arriver. Si on n'a aucun objectif, on ne va vers rien. Sénèque disait qu’il n'y a point de vent favorable pour celui qui ne sait à quel port se rendre. C’est donc important d'avoir un objectif.
Une fois notre objectif conscientisé, c'est toute la Vie qui œuvre, qui fait qu'on navigue et qu'à travers les courants, à travers les tempêtes, à travers les moments agréables ou moins agréables, on essaye toujours d'atteindre ce fameux port, même si on ne l'atteindra peut-être jamais. L’important, c’est d’avoir cette boussole qui nous guide vers
Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article