« Un jour, dans un salon du livre, un couple s’approche. Lorsque je leur raconte l’histoire d’Amandine, personnage principal de mon livre, j’observe l’attitude de la dame et je comprends tout de suite que son mari est un pervers narcissique. Elle est figée, en attente de sa réaction. Le mari lui dit alors : « Prend-le, ça a l’air bien ». Il ne s’est jamais senti concerné. C’est le propre des harceleurs, ils sont incapables de se remettre en question et ils focalisent leur attention sur l’histoire de la disparition décrite dans le roman, sans se douter qu’il est surtout question de la relation entre un manipulateur et sa victime. Il ignore que son épouse va trouver dans le livre les moyens de se reconstruire et de se libérer. » Natacha Calestrémé
Par Sylvie Ouellet, Auteure, conférencière et formatrice
On parle très peu de la violence psychologique et pourtant, faites le test autour de vous. On connait tous quelqu’un (quand ce n’est pas soi-même) qui a subi un harcèlement moral dans le couple, la famille ou au travail. Parfois, les faits se répètent. En menant deux ans de recherche sur ces mécanismes, Natacha Calestrémé lève le voile sur ce fléau de la manipulation dont on peut se prémunir.
Pourquoi avez-vous choisi d’écrire sous la forme de romans?
Le roman me permettait de toucher un plus grand public et d’obtenir davantage d’impact en insérant des messages au cœur de l’intrigue. C’est ce qui m’a poussé à écrire Le testament des abeilles. Ce plaidoyer pour la nature qui se déroule à travers une série de faits réels est le fruit d’un travail journalistique visant à sensibiliser les lecteurs qui ne sont pas forcément pro-environnementaux.
C’est aussi dans un but de sensibilisation que vous avez écrit le roman Les blessures du silence?
Oui, le roman s’est imposé, car 90 % des personnes qui subissent le harcèlement, la perversion, la manipulation ou l’emprise ignorent que ce qu’elles vivent n’est pas normal. Du coup, elles ne vont pas acheter un manuel sur « Comment sortir de l’emprise » puisqu’elles n’ont pas conscience de cette emprise. Alors qu’en lisant le roman, elles découvrent la vie du personnage principal, Amandine, et peu à peu toute son histoire va faire écho à leur propre vie. Elles vont se reconnaitre. Or, ouvrir les yeux sur ces mécanismes est le début de la guérison.
Un roman permet de prendre une distance avec notre propre histoire. Cela ne parle pas de nous, mais de l’héroïne du livre… Ce choix du roman est aussi stratégique, car il permet aux victimes d’emprise ou de harcèlement de ramener ce livre chez elle, auprès de leur « bourreau », en toute quiétude. Un roman policier passe totalement inaperçu, un manuel pratique, non. Je l’ai écrit pour qu’il devienne un cheval de Troie que l’on ramène chez soi et qui propose une clé de libération à laquelle seul le lecteur a accès.
Comment vous est venue l’idée d’écrire un roman sur la perversion et la manipulation?
À la suite de la mort d’une amie. Elle m’avait raconté que son mari était horrible avec elle. Je la croyais, mais en même temps, je lui disais que la situation ne devait pas être si catastrophique puisqu’elle ne le quittait pas. Je n’ai jamais mesuré la terreur dans laquelle elle vivait ni sa détresse. Le fait est que je ne comprenais pas pourquoi elle n’arrivait pas à partir. En apprenant sa mort, j'étais complètement rongée par la culpabilité. J’étais tellement mal de n’avoir pas su trouver les mots pour l’aider à partir à temps. J’ai donc écrit ce livre pour venir en aide aux personnes qui subissent la manipulation ou encore pour leurs proches qui se trouvent démunis et ne savent pas quoi faire pour leur venir en aide.
Y aurait-il des signes pour déceler un pervers narcissique dès les premières rencontres?
C’est une très bonne question! Si c’était facile, personne ne tomberait dans le piège, mais je pense que le fameux conte de fées est un signe fort. Lorsque tout semble trop beau pour être vrai, qu’il y a une impression d’âmes jumelles; que le bourreau nous renvoie à tout ce que nous lui disons : Alerte! Je fais une collection de timbres-poste, lui aussi, mais il ne l’a plus, car sa mère l’a jetée! J’aime la cuisine japonaise, pareil pour lui; j’ai une passion pour le rouge carmin, c’est sa couleur préférée… Ce n’est pas normal. Le pervers ne se livre pas de lui-même. Il questionne d’abord et répond en écho à sa victime. Méfions-nous d’un miroir trop parfait.
Le déni de responsabilité est aussi un autre signal d’alarme. Un pervers narcissique ne se remet jamais en question. En cas de faute, il nie toute responsabilité et il l’impute aux autres ou à la vie. Il cherche constamment un responsable et culpabilise sa victime d’en être la cause. Il est pourtant impossible que tout soit toujours à sens unique… Ça doit nous alerter.
Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article