La seule chose à faire? Accueillir!
«Il y a 15 ans ma vie frôlait la catastrophe. Le corps physique était fatigué, il n'avait plus suffisamment de ressources pour fonctionner correctement. Ma tête était désespérée, dépressive et le système émotionnel était à saturation. Je cherchais des réponses, une issue, le bienêtre Alors que j'avais perdu tout espoir, la Vie a répondu à mon appel. Elle m'a dit : « Quand tu cesseras de lutter, tout se remettra dans l'ordre » À partir de ce matin-là, j'ai compris que je devais arrêter de lutter. J'ai commencé à accueillir.» Nassrine Reza
Par Lucie Douville, Éditrice
Si j'étais excitée à l'idée de rencontrer Nassrine Reza, je me doutais bien que mon mental, lui, s'apprêtait à participer à un atelier du genre contorsion extrême du Cirque du Soleil Après plus de soixante années passées à lutter, pas sûr qu'il serait à l'aise à l'idée de baisser la garde, d'arrêter de voir des complots partout, de ne plus référer au passé, de ne plus anticiper l'avenir, de ne plus inventer de questions pour chercher des réponses, mais simplement d'accueillir ce qui est
Nassrine, alors que tu avais perdu tout espoir, qu'as-tu accueilli?
J'ai accueilli mon corps tel qu'il était, avec bienveillance et beaucoup d'amour, sans le juger, sans plus lui demander de s'améliorer ou de trouver une solution pour guérir. C'était un état de résignation absolue. À cet instant, ma vie s'est transformée. Je remercie aujourd'hui la Vie de m'avoir permis d'expérimenter ce qu'est la lutte et ce qu'est l'accueil; ce qu'est le contrôle ou simplement à l'écoute de ce qui est.
Que s'est-il passé par la suite?
Grâce à cette expérience, j'ai ensuite eu l'opportunité d'accompagner des milliers de personnes sur leur chemin de vie et de guérison. J'ai pu observer à quel point l'être humain adulte souffre. Non pas à cause des circonstances, mais fondamentalement parce qu'il lutte contre certaines émotions qui sont provoquées par les circonstances en question. Plus il refoule ses émotions, plus elles s'intensifient. C'est quand on arrête de lutter que les solutions apparaissent spontanément.
On cherche à comprendre, on cherche des solutions, des explications
Initialement, l'être humain n'est pas né avec d'innombrables questions en cherchant des explications, n'est-ce pas? La compréhension, la recherche de solutions et l'effort n'ont rien à voir avec sa véritable nature. Si son attention pouvait se focaliser à priori sur son espace intérieur, comme le fait naturellement l'enfant en bas âge, il réaliserait qu'il est inutile de chercher des réponses parce que celles-ci l'habitent déjà. Il lui suffirait de les laisser émerger.
Il comprendrait aussi qu'il est impossible de poser une question sans avoir au préalable la réponse. L'une ne va pas sans l'autre. Chaque être humain est doté d'un savoir inné. Celui-ci est vierge de tout concept et de toute recherche. On y accède lorsque la lutte cède la place à l'accueil de ce que nous sommes véritablement.
Est-ce le mental qui nous garde dans cet état de lutte?
À nouveau, est-ce que l'être humain, cette entité corps-mental-émotion, est né dans un état de lutte? En observant un enfant en bas âge, on constate que ce n'est pas le cas. Le mental de l'enfant est serein. L'être humain vient au monde avec un mental parfait, hautement sophistiqué et doté d'une intelligence qui lui est propre. C'est aussi grâce à lui que nous parviennent les messages de notre intuition. Les gens pensent souvent que le mental et l'intuition sont deux choses distinctes. Ils cherchent à abolir le mental pour accéder à l'intuition. Mais sans mental, il n'y a pas d'intuition. Ce raisonnement découle d'une image totalement fausse que nous avons du mental.
Pour illustrer ce qu'est le mental, imaginez qu'il soit comme une station de radio qui a pour seule fonction de recevoir des informations spécifiques et de les retransmettre à notre conscience. Si la radio émet par exemple des pensées négatives, il ne sert à rien de la blâmer, n'est-ce pas? Elle ne fait qu'accomplir son travail. Chez l'enfant en bas âge, le mental (la radio) est branché sur une fréquence spécifique, celle de son espace intérieur. Par contre chez l'adulte, le mental est continuellement connecté à une autre source d'informations dans laquelle la lutte prédomine. Il s'agit du bagage héréditaire. Tel un sac à dos, il se greffe à l'être humain durant son jeune âge et à force de le porter, il n'en a plus conscience, il se confond complètement avec lui.
C'est un peu comme si on se perdait de vue?
On perd de vue notre nature profonde, notre liberté d'être. Imaginons que vous soyez dans une salle de cinéma où, sur l'écran, on projette un film qui a pour titre : La Vie de l'être humain La projection commence et vous devenez tellement pris par ce film que vous oubliez soudainement votre vie, vous oubliez que Vous êtes en train de regarder un film et que Vous n'êtes qu'un spectateur. Inconsciemment vous vous identifiez à l'acteur principal, vous avez l'impression de vivre sa vie, de ressentir ses émotions; vous pleurez et riez avec lui. Quand arrive la fin, vous avez été tellement absorbé par ce film, que vous avez oublié que Vous existiez.
C'est une prise de conscience que plusieurs font en fin de vie : « Mais où étais-je durant toutes ces années? » Ils réalisent qu'ils ont perdu de vue leur nature profonde au profit de tous les rôles qu'ils ont joués.
Comment comparerait-on la vie d'une personne qui lutte par rapport à celle qui accueille?
Commençons avec le corps. C'est ce qu'il y a de plus tangible. En mode lutte, c'est-à-dire lorsque notre attention n'est pas tournée vers notre espace intérieur, le corps physique ne respire jamais de manière ventrale. À ce moment, la respiration est surtout thoracique. Le corps est contracté, l'eau stagne et le corps s'acidifie. Résultat? Le corps se déshydrate, ce qui génère fatigue, irritabilité et un stress quasi permanent.
Et en mode accueil?
En mode accueil la respiration est ventrale, le corps est hydraté et il y a une absence totale d'émotion. C'est une paix inébranlable. Et si un état de stress vient à se manifester, on constate simplement : « Tiens, il y a du stress ». On observe. On accueille. C'est tout. Ce stress va se dissiper sans interférer avec nous.
Lorsque nous sommes dans l'accueil, notre attention est centrée sur notre espace intérieur. Ni le passé ni l'avenir ne nous intéressent. Seul l'instant présent existe. Nous ne cherchons plus à comprendre ou à atteindre quoi que ce soit. Nous ne demandons plus conseil, parce que nous réalisons que nous sommes notre propre guide et que nous seuls sommes en mesure de savoir ce qui est juste et bon pour nous-mêmes.
Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article