Je pense que je pense trop. Ça parle toujours dans ma tête. Ça n’arrête jamais. C’est parfois sympathique, souvent pas…
C’est comme si, parmi toutes ces voix, il y en avait une qui se pensait plus fine que les autres : La Commère. Et Dieu sait qu’elle prend souvent le micro.
T’aurais pas dû…
Ses « charmantes » observations commencent toujours de la même façon : « T’aurais dû… » ou « T’aurais pas dû… », suivies des fameux trois petits points qui laissent clairement entendre que peu importe ce que j’ai fait ou que je n’ai pas fait, j’ai mal fait. Coupable! Voilà ce que je suis. C’est ainsi que, toute en subtilité, la culpabilité vient me saluer.
Si on prend juste cinq minutes pour s’observer, on réalise vite à quel point la culpabilité occupe nos journées, aussi bien celle que les autres utilisent pour nous manipuler, que celle que nous utilisons pour les régenter.
Quand l’autoculpabilité s’en mêle
Et là, c’est sans parler de La Commère dont le sport préféré est l’autoculpabilité : « T’aurais dû prendre le temps de méditer… T’aurais pas dû manger autant… T’aurais dû aller marcher… T’aurais pas dû lire si longtemps… » Cultiver l’estime de soi dans ces conditions-là, on n’y pense même pas!
Mais quelqu’un pourrait-il bien me dire pourquoi la culpabilité accapare une si grande partie dans nos vies? Quoi?... À cause d’une pomme! Quelle pomme? Ah! LA pomme… Les racines de l’humanité auraient-elles germé dans le terreau fertile de la culpabilité?
Éden, un jardin pas si lointain…
Admettons, qu’au départ, la raison d’être de la culpabilité était de nous signifier que nous avons mal agit et que, selon le « mal » occasionné, nous devions réparation, à tort égal, réparation égale. Ça, ça aurait été parfait!
Mais entre vous et moi, vous ne trouvez pas que la réaction de Dieu a été « légèrement » disproportionnée? Ève désobéit, enfin c’est ce qu’on nous a dit…, et Dieu prononce un verdict de culpabilité sans option de rédemption : « J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras dans la douleur, tes désirs se porteront vers ton mari, et il dominera sur toi. » Non, mais… Il y a de quoi marquer la psyché de l’humanité pour l’éternité, celle des femmes en premier. Et que cette histoire soit vraie ou pas, l’Église s’est empressée de la perpétuer.
Quatre mille ans sont maintenant passés. Comment faire pour ramener la culpabilité à son rôle premier? Tiens, ça me donne une idée… Ajouter trois nouveaux commandements aux dix premiers.
De ta vie seulement tu répondras
On a parfois la fâcheuse manie de se sentir responsable des problèmes des autres et donc, de vouloir les régler. En agissant ainsi, on les prive non seulement de leurs expériences, mais on délaisse aussi notre vie. Je dois répondre de Ma vie. Sans plus. Cette mission accomplie, je pourrai toujours donner un coup de main au voisin…
Bienveillance envers toi tu auras
Je ne sais pas pourquoi, mais trop souvent, dans notre liste de priorités, on apparait en dernier. On prend soin de tout le monde, et même du voisin, et à la fin de la journée, pour nous, il ne reste plus rien. C’est pourtant le contraire qu’on devrait faire. Charité bien ordonnée commence par… Soi-même! À ne pas oublier.
Des pommes tu mangeras
Tant qu’à faire le ménage, j’ai pensé qu’on pourrait aussi libérer LA pomme du rôle qu’elle a joué dans l’histoire qu’on nous a racontée. Quatre mille ans, c’est bien suffisant.
Un ressenti à la fois!
Comment se libérer de la culpabilité? Un ressenti à la fois! Ça passe par là… Si notre mental ne peut pas toujours détecter l’emprise subtile de la culpabilité, notre ressenti, lui, oui! Et une fois démasquée, elle ne peut plus nous contrôler.
Alors dès que je me sens mal, sans trop savoir pourquoi, je m’arrête, je me centre et je remonte le fil de mon ressenti jusqu’à découvrir ce qui l’a produit. Il y a de fortes chances que ce soit le fil du micro de La Commère. Débranchez-le!
Lucie Douville, Éditrice
Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article