« Il s’avère que j’ai arrêté de faire des crises après la publication et la réussite du livre Les fournis. Du coup, comme écrire me rendait heureux, j’en ai déduit que la meilleure manière de se soigner de toutes les maladies, c’est d’être heureux! Et quand j’ai découvert que je pouvais gagner ma vie en étant un écrivain, j’étais comme une abeille qu’on encourage à faire du miel… J’avais trouvé ma place et en trouvant ma place, je suis devenu heureux, et en étant heureux, ma maladie s’est arrêtée. Donc la thérapie par l’écriture a complètement fonctionné sur moi. » Bernard WERBER
Par Sylvie Dethiollaz, Dre en biologie moléculaire et directrice d’ISSNOE
Je vous invite à rencontrer Bernard Werber qui a accepté de partager avec nous une parcelle de sa vie…
Bernard, comment vous est venue la nécessité d’écrire?
Je crois que j’ai commencé à écrire tout simplement parce que je n’avais pas le choix. Je n’étais pas bon au football et je n’étais pas bon à l’école, car j’étais indiscipliné. J’étais un élève rêveur. Et comme tout enfant cherche à être admis, voire aimé par les autres, je me suis aperçu que le seul moment où on me tolérait, c’était quand je racontais des histoires de la façon la plus fantastique et spectaculaire possible. Donc, très vite dans les cours de récréation, j’étais le type qui raconte des histoires, soit horribles, soit bizarres, soit fantastiques.
Par la suite, je n’ai fait que renforcer ce point fort plutôt que de vouloir combler mes points faibles. Je suis toujours très mauvais au football, très mauvais comme élève et j’ai des difficultés à m’intégrer à toute forme de société établie avec des hiérarchies.
L’écriture est-elle pour vous une forme de thérapie?
Il faut savoir que j’ai démarré ma vie plutôt mal. À l’âge de huit ans, tout d’un coup, je n’arrivais plus à me lever ni à me tenir debout. On m’a diagnostiqué une spondylarthrite ankylosante, soit une maladie hyper invalidante qui pourrait en venir à bloquer tout mon corps. Sachant ça, j’ai vécu ma jeunesse un peu comme un infirme, car je ne savais jamais quand ça allait frapper. Je me sentais condamné. L’écriture a donc été pour moi une voie de survie psychologique.
Selon vous, la conscience se situe-t-elle dans la fourmi ou dans la fourmilière?
Je suis persuadé que la conscience n’est pas dans la matière. Je crois que notre esprit est ailleurs que dans le cerveau. Le cerveau est le support matériel qui permet à la conscience de fonctionner, mais la cartographie du cerveau ne montre aucune zone qui relève de la conscience.
J’aime bien la citation de Teilhard de Chardin : « Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle. Nous sommes des êtres spirituels vivant une expérience humaine. » Je suis l’esprit qui est dans le corps de Bernard Werber. Mon corps c’est le véhicule, c’est ce que vous voyez. Et quand ce véhicule sera abimé, eh bien, en tant qu’esprit j’irai ailleurs. Je ne sais pas où, je ne sais pas sous quelle forme. Je n’essaierai jamais de convaincre personne de cette idée, mais c’est ma conviction profonde.
Ma pensée, celle qui anime les mots que je prononce en ce moment, la partie de moi qui pense, je ne sais pas où elle est, je ne sais pas comment elle est construite, par contre j’ai intuitivement le sentiment qu’elle n’est pas née le jour de ma naissance et qu’elle ne va pas mourir le jour de ma mort. Je m’aperçois aussi que je peux chercher dans ma pensée des choses très anciennes qui ne correspondent à aucune de mes expériences et à rien de connu par mes sens.
Quand j’écris, je vis ce que j’appelle une « transe de l’écriture ». Je crois que je me connecte à « l’inconscient » qui est le terme scientifique le plus accepté. Mon inconscient touche à des connaissances qui sont bien plus vastes que celles que Bernard Werber, le simple humain, peut avoir. J’ai accès à un monde que je dirais à la fois intuitif, mais aussi plus qu’intuitif. Donc je crois que nous pouvons tous nous brancher sur notre inconscient qui, lui, a accès à quelque chose qui vient « d’ailleurs », qui est connecté à autre chose de beaucoup plus vaste. Tout ça, pour moi, c’est du mystère.
Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article