Je vous dis qu'il s'en passe des choses dans ma tête Ceux qui croient que Xavier Dolan excelle dans l'art du drame, c'est qu'ils ne me connaissent pas.
Par Lucie Douville, Éditrice
J'ai été utilisée, trahie, discréditée, abandonnée. Les faillites? Je ne les compte plus! Et je ne dis pas tout. C'est fou tout ce que j'ai vécu dans ma tête!
Deux vies en simultané
En fait, c'est comme si je vivais deux vies en simultané, l'une dans la réalité et l'autre dans mes pensées. Et le pire dans tout ça, c'est que la vie la plus difficile à vivre, c'est celle que je ne vis pas! Et pire encore, en pensées ou en réalité, mon corps ressent tous les effets comme si c'était vrai
Chaque faillite que j'ai appréhendée m'a fait vivre tous les symptômes associés : palpitations, perte d'appétit, nuits blanches, réveils en sueurs Tout y était! Et même si ça se passait uniquement entre mes deux oreilles, une partie de moi le vivait pour de vrai.
Silence, on tourne!
C'est souvent ainsi pour tous les aléas de la vie! Admettons que vous planifiez une conversation qui, peut-être, pourrait tourner à la confrontation. Combien de fois allez-vous jouer et rejouer la scène dans votre tête avant de la vivre, changer votre discours, imaginer les répliques, anticiper vos réponses? Mais pendant tout ce temps, votre corps y est vraiment!
Bien entendu, rien ne va se passer comme vous l'aviez imaginé et si vous n'avez pas obtenu les résultats escomptés, vous allez jouer et rejouer à nouveau la scène en imaginant ce que vous auriez pu dire si, ce que vous auriez dû répondre à Une partie de vous va continuer à lutter jusqu'au jour où vos pensées vont se diriger vers le prochain combat à anticiper.
Quel est le problème au juste?
Et peut-être l'aurez-vous déjà remarqué, mais c'est rarement la situation en elle-même qui représente le véritable problème. C'est le fait d'appréhender cette situation en pensées bien avant de la vivre qui vient tout compliquer, ça et tous les scénarios catastrophes qu'on va imaginer. Je vous le dis, Xavier Dolan c'est du cinéma jeunesse à côté des mélodrames qu'on peut s'inventer.
Et nous À force de redouter ce qui n'arrive jamais, à force de retourner les terres arides du passé d'où rien ne pourra plus germer, on perd la majeure partie de notre vie à lutter, alors qu'elle serait tellement plus agréable à vivre si on apprenait juste à accueillir ce qui est; non pas dans le rôle de la victime éplorée, mais du maitre qui sait que peu importe le combat qu'il aura à livrer, c'est uniquement dans l'arène de « l'ici-maintenant » qu'il pourra le remporter.
La vie est un combat
Mais j'ai parfois l'impression qu'une partie de nous a besoin de lutter pour se sentir exister « Sans combat point de salut! » Le mental, toujours à l'affut, va utiliser nos pires souvenirs pour nous mettre en garde contre ce qui « pourrait » advenir : expérience qui a mal tourné, croyance périmée, blessure non cicatrisée. Bref, c'est le nez tourné vers le passé qu'il va nous présenter une réalité trafiquée, croyant, par là, nous prémunir contre l'avenir
Morale de l'histoire? On ne voit jamais la réalité telle qu'elle est, mais une version mentalisée et, avec des pensées qui sont toujours en train d'extrapoler, en cherchant à éviter le pire, on le crée. On ne vit pas notre vie, on la survit!
Accueillir un nouveau paradigme
Êtes-vous fatigué de lutter? Moi, oui! Épuisée même. Quelle gloire peut-on retirer de victoires remportées sur des combats qui n'ont jamais vraiment existé? À quoi sert une vie vécue entre deux oreilles quand on a toute une planète pour s'amuser!
Et si on accueillait l'idée que la Vie n'est un combat que lorsqu'on ne l'habite pas, mais que pleinement habitée, c'est dans l'accueil inconditionnel de ce qui nous est présenté, au moment où ça nous est présenté, qu'Elle va nous montrer une solution parfaitement adaptée au défi à relever, mieux que ce qu'on aurait jamais pu imaginer! Et si jamais, un jour, on vient en manque de drame, il y aura toujours Xavier Dolan!
Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article