« J'ai un respect infini pour ma robe de moine parce qu'elle montre cet état d'être auquel j'aspire, c'est la robe du bouddha. Mais je n’ai besoin de rien à l’extérieur de moi pour nourrir l’aspiration que je porte en moi. » Davina Delor
Lilou Macé
Davina et moi avions envie de parler ensemble de quelque chose d’essentiel que nous vivons toutes et tous en ce moment, c’est-à-dire le passage de l’Ancien Monde vers le Nouveau Monde. Nous sentons que nous avons tous des renoncements à faire, des choses de l’Ancien Monde à lâcher pour aller vers le Nouveau. C’est un peu comme si la Vie nous poussait à ne pas nous accrocher au monde matériel pour retrouver notre liberté intérieure.
Dans ce contexte, je me suis permis de poser une question à Davina…
Est-ce que tu pourrais quitter cette robe de moine et partir de ce monastère si la Vie te poussait à le faire? Serais-tu prête?
Ma réponse est très claire. L'engagement et l'amour que j'ai pour la voie que j'ai choisie sont en moi. Personne ne peut me prendre quoi que ce soit. Je ne peux rien perdre. Donc bien sûr que je suis prête à renoncer à toutes les apparences.
Les apparences ne sont rien d'autre que des images que l'on présente au monde et qui posent des étiquettes sur nous. J'ai un respect infini pour ma robe de moine parce qu'elle montre cet état d'être auquel j'aspire, c'est la robe du bouddha. Mais je n’ai besoin de rien à l’extérieur de moi pour nourrir l’aspiration que je porte en moi.
Tu es qui tu es, grâce à tout ce que tu as pu vivre dans cette voie.
Absolument. Et ça continue toujours à l'intérieur de moi, quoi qu'il arrive. C'est un engagement spirituel, le meilleur que l'on puisse prendre dans sa vie, à condition de rester parfaitement libre sans être assujetti à rien. Pour moi, la liberté c'est un état d’être, peu importe ce que l’on vit.
Lorsqu’il était emprisonné, Sri Aurobindo disait : « Je vis une vie extraordinaire. Mon corps est en prison, mais mon esprit, lui, va où il doit aller. Personne ne peut me prendre ma liberté. » C'est ça le message. Personne ne peut priver quiconque de sa liberté d'être. Absolument personne! Chaque expérience dont on s’est enrichi, on la porte en nous. Si ma vie en ce lieu devait se terminer, ce serait parce qu’il y a quelque chose d’autre qui m’attend.
Que conseilles-tu aux personnes qui ont de la difficulté à laisser aller ce qu’elles connaissent pour aller vers quelque chose de nouveau, d’inconnu peut-être…
Ce qu'il faut savoir, c'est que la Vie est un laboratoire d'expériences. Nous avons tous des évènements qui nous arrivent et que l'on doit gérer, temporiser et ça ne se passe pas toujours comme on le souhaite. On doit s’arrêter, réfléchir et se demander ce qu’on veut vraiment retirer de notre vie, maintenant.
Toutes les rencontres que l'on fait, même les plus merveilleuses, peuvent trouver un achèvement parce que la Vie nous réclame une nouvelle expérience. Aujourd’hui, il faut réfléchir autrement. On doit mettre plus de douceur dans les relations, plus d'acceptation des différences et même si on a des avis opposés, ce n’est pas la fin du monde.
Quelle est la vérité de la Vie? Ce n’est pas d'être chef d'État, maitre spirituel ou danseuse étoile à l'opéra de Paris. Tout ça, ce ne sont que des rôles. Peu importe le rôle que l’on joue, l'important c'est d’être authentique et de bien le jouer sans porter atteinte à soi-même ou aux autres.
Que dis-tu aux personnes qui voient leur situation se dégrader et ne plus pouvoir exister de la manière dont ils existaient auparavant?
Ça va être d'une autre manière… Je suis soignant? Je perds mon poste à l’hôpital? Il y a tellement de manières différentes de soigner. Je suis artiste? Je ne peux plus pratiquer mon art? Si j’accepte et que je suis ouverte à ce que je vis, sans m'agresser moi-même, un autre talent va surgir!
Tu l’as toi-même vécu…
Oui! J'en ai fait l'expérience avec la danse. Quand tout s’est arrêté, j'ai accueilli ma situation et de nombreuses choses me sont venues. Quelque chose s'en va, quelque chose vient. C'est ça, le message de la Vie.
Dès l'instant où on accepte de libérer de l’espace en soi, quel qu'il soit, l’espace occupé par des amis, un conjoint, un travail…, peu importe, comme la Vie a horreur du vide, elle va envoyer quelqu'un d'autre, quelque chose d'autre. On ne perd jamais rien.
Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article