Quand on arrive ici, sur Terre, juste avant que notre âme ne s’installe dans notre tout petit corps, un renard vient doucement souffler à notre oreille Le Secret de la Vie, un secret qu’il nous demandera de garder précieusement pour qu’il ne tombe jamais dans l’oubli.
« Mon secret est très simple, nous dira le renard. On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux. » C’est donc riches de ce précieux secret que nous allons naitre à notre nouvelle vie.
C’est ça la vraie Vie!
L’enfant que nous avons été va illico faire de ce secret sa raison d’exister. L’essentiel se résumera à avoir des amis, jouer, jouer, jouer, bouger, manger, dormir, aimer et être aimé. L’invisible? Il y sera comme un poisson dans l’eau… C’est le terrain de jeu à partir duquel il pourra absolument tout créer.
Il n’aura qu’une seule et unique façon de voir le monde, avec les yeux du cœur. Ni la couleur de la peau, ni le rang social, ni l’apparence, ni le compte en banque, ni le métier ne pourront jamais le faire vaciller. Le monde sera composé d’êtres humains qui, comme lui, portent en eux Le Secret de la Vie. C’est ça l’essentiel…
Et les années vont passer…
Le temps consacré à jouer va se limiter à la cour de récré. Il faut bien étudier... Lentement, la société va le réinitialiser, l’éducation le formater, lui faisant oublier le secret que le renard lui avait confié. C’est dorénavant la raison qui va présider à son évolution.
Les amis? C’est de plus en plus sur sa tablette qu’il va les rencontrer. À l’école, on va lui apprendre que le cœur, ça n’a jamais été fait pour regarder; que l’invisible, c’est un domaine réservé au clergé; que l’essentiel, c’est de bosser dur aujourd’hui pour, un jour, pouvoir s’acheter le bonheur qu’on lui vend à la télé.
Et les années vont passer…
L’essentiel va faire place au superficiel, l’invisible au matériel, l’intelligence émotionnelle à l’intelligence artificielle et la joie d’exister aux obligations à assumer qui, elles, vont augmenter. Du temps pour jouer? Faut, même pas y penser. On a une vie à gagner…
La qualité du sommeil va devenir inversement proportionnelle au stress accumulé, l’anxiété va en profiter pour s’installer et la façon qu’on va trouver pour faire baisser la pression sans exploser, ce sera un repas bien arrosé en fin de soirée. Demain, ça va mieux aller…
Et les années vont passer…
Mais demain, c’est comme hier et tous les jours qui l’ont précédé. Le stress et l’anxiété sont maintenant bien installés. On porte, en nous, une sorte de vide qu’on n’arrive pas à identifier, un vide qui ne fait que se creuser, peu importe tout ce que l’on achète pour le combler. C’est comme si notre avion s’était crashé dans un désert et qu’on ne savait pas comment le réparer.
À bout de ressources, c’est assis devant notre médecin qu’on va se retrouver, le suppliant de nous donner la petite pilule qui pourra tout régler. Si vous avez bien choisi votre médecin, ce n’est pas une petite pilule qu’il va vous donner en premier, mais des questions qu’il va vous poser : « Est-ce que vous dormez bien, mangez bien, bougez bien? Avez-vous des hobbys? Et vos relations? Avez-vous déjà pensé à la méditation? » C’est là que tout va se jouer!
Allons-nous miser sur la petite pilule dont les doses ne feront qu’augmenter ou allons-nous miser sur Nous, retrousser nos manches et reconquérir notre santé?
Et les années ont passé…
Le secret que le renard nous avait confié ne nous a jamais quittés. On aura eu beau l’ensevelir sous une montagne de biens matériels, prêter allégeance au superficiel, n’écouter que la voix du rationnel, jamais il n’aura cessé d’émettre, en nous, cette ultime vérité : « On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux. »
J’ai un secret pour les « grandes personnes » que nous sommes devenues. Le cœur qui bat dans notre poitrine est le même que celui de l’enfant qui avait fait de cette vérité sa raison d’exister. L’Essentiel? C’est de réapprendre à l’écouter.
Lucie Douville, Éditrice
Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article