Nous avons peur du silence. Notre époque nous enveloppe d’un vertige de paroles, nous sommes environnés de bruit jusque dans les ascenseurs, les gares, les boutiques et les aéroports… Pourtant, le silence est un compagnon précieux, l’écrin de nos pensées, le berceau de nos intuitions. Il n’est jamais vide. Il nous parle souvent.
Yves Duteil
L’inspiration a besoin pour faire entendre sa petite voix ténue d’un espace de calme qui ressemble fort à un jardin secret, un lieu virtuel où nous avons rendez-vous avec un inconnu croisé dans notre miroir, cet être mystérieux et unique que nous fuyons sans cesse, et qui porte en lui l’expression de notre vérité.
Réflexion, philosophie, travail sur soi exigent de mettre l’histoire sur « pause » le temps de prendre de la hauteur, de dépasser les évidences pour entrer dans le labyrinthe de notre esprit, à l’orée de nulle part…
Un pont sur l’infini
La résonance particulière d’une église nous invite ainsi à nous taire, à écouter la beauté d’un vitrail, à entendre la douceur bienveillante des statues, et à prier sans bruit. Il y a du respect dans ce partage en communion avec l’univers, un pont sur l’infini. Les moments de quiétude que nous préservons autour de nous sont autant de portes secrètes vers l’Essentiel.
Malgré le génie de ses prodigieuses découvertes, le XXe siècle restera probablement dans l’Histoire comme celui du fracas des armes et des paroles reniées. Combien d’accords de paix auront volé en éclats d’obus? Combien de berceuses se seront tues sous les hymnes à la violence? Le silence des consciences plombe l’humanité quand l’orgue de barbarie joue le massacre du printemps.
Toucher le meilleur, au fond de nous
Mais si on recense tous les jardins, toutes les promesses d’espérance qui fleurissent en chacun de nous, on se dit qu’on n’est pas à l’abri du meilleur. Comme les milliards de battements d’ailes de papillons qui soulèvent des déferlantes, nous pouvons être les Quarantièmes Rugissants d’un océan d’espoir, en résistance contre l’indicible, renverser des dictatures ou diffuser la conviction et la force par le murmure d’internet.
Nous pouvons aussi essayer d’être nous-mêmes, aller chercher le meilleur au fond de nous pour en partager des instants, être un grain de sable utile au sablier du temps humain. Notre sixième sens nous permet parfois de ressentir une parcelle de l’invisible, d’interroger le silence.
Se taire pour mieux écouter nous ouvre à la découverte, pour sortir de nos schémas habituels, cheminer vers notre vérité, et reprendre la route, enrichis d’un nouvel éclairage ou d’un autre regard. Le silence est un zoom qui élargit ou recadre l’image, donne du recul sur la mosaïque afin de mieux la comprendre.
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