« Être authentique, pour moi, c’est accepter sa multiplicité; c’est accepter que l’on soit à la fois courageux et lâche, que l’on soit clair et confus, généreux et radin. Quand on accepte toutes ses facettes, une détente s’installe en nous, et c’est cette détente qui nous libère du regard de l’autre. On est authentique parce qu’on est animé par un souci de congruence et d’alignement, et non plus par le souci de ce que les gens vont dire ou penser de nous. » Arnaud Riou
Par Sylvie Lauzon
Quand avez-vous dit non la dernière fois? Un vrai non affirmé et pas une excuse murmurée du bout des lèvres pour vous sortir d’une situation dont vous n’aviez pas envie?
Dire non, une fois devenu adulte, n’est pas aussi simple que lorsque nous avions deux ans. Une fois dépassé ce qu’on appelle le « terrible two’s », la plupart d’entre nous naviguons en eaux troubles entre les non et les oui qui ressemblent la plupart du temps à des peut-être, ou si vous préférez à des « n'oui ».
J’ai peur de quoi? Je ne sais pas trop…
Dire non fait peur, peur de quoi exactement? D’être jugé, de ne plus être aimé, d’être rejeté, de décevoir? Et si apprendre à dire non nous amenait à jouer pleinement le rôle de notre vie! Arnaud Riou sait de quoi il parle lorsque vient le temps de jouer le rôle de sa vie. Ce comédien, metteur en scène, auteur, coach et conférencier a osé dire non.Son parcours l’a amené de la France jusqu’en Inde et au Tibet pour se rendre compte que lorsque nous savons dire non, nous devenons non seulement les auteurs, les metteurs en scène et les acteurs de nos propres existences, mais surtout qu’on y tient le rôle principal : le nôtre.
QUAND JE DISAIS OUI ALORS QUE C’ÉTAIT NON
« Aujourd’hui je suis capable de dire non, mais ça n’a pas toujours été le cas! J’avais du mal à dire non par peur de blesser, d’être moins aimé, d’être rejeté. J’avais tendance à me suradapter et à dire des oui qui n’étaient pas vraiment des oui et des non qui n’étaient pas vraiment des non. Parfois, je ne répondais pas du tout! Je laissais un peu de flou dans les situations que je considérais comme embarrassantes. »
« Le flou devenait mon confort, quand ce n’était pas les fausses excuses qui meublaient mon quotidien. Ça ne marchait pas. Quand je disais non à une invitation, en prétendant être occupé ailleurs, on la reportait d’une semaine à l'autre. Je n’arrivais plus à m’en sortir, et à un moment donné c’est devenu tellement difficile pour moi que j’ai fait un ulcère à l’estomac. Je disais oui alors que c’était non et je disais non alors que c’était oui. J’ai eu du mal à poser mes limites. »
« La fin de ma vingtaine a été le début de tout un cheminement pour découvrir qui j’étais, apprendre à me positionner et à revoir mes croyances. Quand quelqu’un dit non, on pense qu’il n’est pas aimable, alors que ça n’a rien à voir. On peut apprendre à dire non, à poser ses limites pour, au bout du compte, être mieux compris et mieux aimé pour qui on est véritablement. L’amour et l’affection dont on a besoin ne sont pas conditionnés au fait que l’on dise oui tout le temps. »
UN FLOU RASSURANT… VRAIMENT?
« On croit que le flou est rassurant, mais il ne l’est pas. Par exemple, quand on nous offre un vêtement en cadeau et que ce cadeau n’a pas d’allure pour nous, on va probablement répondre que ça nous fait plaisir… C’est bien plus rassurant que de dire « ce n’est pas mon style, je ne vais pas le porter, je préfère te le rendre ». Les paroles peuvent parfois créer une situation embarrassante. Mais sincèrement, si j’accepte un vêtement en cadeau que je n’aime pas, chaque fois que je vais le voir je vais me dire que je n’aurais pas dû l'accepter. Est-ce vraiment ce que je veux vivre? »
« Ce qui fait du bien, ce qui est rassurant, c’est la clarté, parce qu’une fois qu’on a choisi les choses pour nous, l’autre accepte ou n’accepte pas, ce n’est plus de notre ressort. Nous sommes libérés de ce flou dans la relation, car dès qu’on va revenir sur ce sujet on ne sera plus mal à l’aise. Ça crée une espèce de secret. En apparence et de façon tout à fait anodine, ça peut avoir l’air rassurant, mais au fond ça ne l’est pas du tout. »
NON, OUI, N'OUI?
« Un non n’a de valeur que si on sait dire oui. Le flou signifie que si on ne sait pas dire non, on sait encore moins dire oui, un vrai oui. Prendre le temps de ressentir l'effet d'un oui ou d'un non à l’intérieur, ça peut véritablement tout changer. Il y a une expression que j’utilise souvent : est-ce que ça me fait oui ou si ça me fait non en dedans? C’est de la bouche d’une Québécoise que j’avais entendu cette expression pour la première fois. »
« Je venais de l’inviter à diner. Après quelques secondes de silence, elle m’a dit que ça lui faisait oui et non en dedans. Elle m’a expliqué qu’elle n’avait pas du tout envie de passer une heure et demie dans un restaurant parce qu’elle mangeait très peu. Donc elle a préféré ne pas accepter mon invitation. Sur le coup j’ai trouvé que c’était une drôle de façon de faire, mais ça n’a jamais créé de distance entre nous parce qu’il y avait de la vérité dans sa réponse. »
« Je n'ai jamais oublié cette phrase : est-ce que ça me fait oui ou non à l’intérieur? Depuis, dès qu’on me pose une question, je prends toujours le temps de sentir dans mon corps si ça me fait oui ou si ça me fait non. Si on écoute le corps, on connait instantanément la réponse. Si c’est oui, le plexus s’ouvre, les épaules se détendent, ça donne de la joie et ça crée de l’enthousiasme. Si le corps dit non, ça crée de la fermeture, de la tension et le plexus bloque. Si on ne s’écoute pas, nos n’oui vont faire croire à l’autre que nous sommes intéressés alors que nous ne le sommes pas. »
APPRENDRE OU RÉAPPRENDRE À DIRE NON?
« Quand on dit qu’il faut apprendre à dire non, il s’agit plutôt de réapprendre à dire non. Quand l’enfant de deux ans n’a pas envie de manger des épinards, il n’en mangera pas. Il va les cracher partout et tant pis si vous le punissez. L’enfant est à l’écoute de ses besoins. Il n’est pas du tout concerné par ce que les gens vont dire, par sa réputation ou son image. Sur le coup, il n’est même pas perturbé par les conséquences de son refus. Ce n’est qu’après qu’il se rend compte qu’il y a des conséquences. Par exemple : si tu ne manges pas tes épinards, tu n’iras pas jouer dehors après le repas. Au départ, il va se dire « tant pis je n’irai pas voir mes amis ». Mais le moment de sortir venu, il va réaliser que c’est dommage… Il va donc commencer à trafiquer et à dire des oui qui ne seront pas de vrais oui. Il dira oui que pour aller jouer dehors. »
« Et c’est là qu’on commence à s’éloigner de nous-mêmes. C’est là que s’installe le schéma punition/récompense. L’enfant dit oui pour avoir une récompense et ne pas avoir de punition. Une fois adulte, ça nous amène à accepter des choses sans le vouloir vraiment. On peut accepter dans son entourage des personnes qu’on n’apprécie pas vraiment, accepter un travail qui ne nous fait pas envie ou encore aller là où on n’a pas envie d’être. On doit comprendre une chose : dire non, c’est avant tout être dans son oui. »
Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article