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DOSSIER : L’anxiété sans complexe - Rencontre avec Sophie Maffolini

DOSSIER :  L’anxiété sans complexe -  Rencontre avec Sophie Maffolini

Vivre aujourd’hui, c’est apprendre à négocier avec l’anxiété ambiante, la nôtre et aussi celle de nos enfants, de nos parents, de nos proches, et maintenant, en contexte de pandémie, avec celle de la planète tout entière. Dans le contexte actuel, l’anxiété, l’incertitude et toutes les peurs qui l’accompagnent nous guettent au moindre détour, et peuvent même parfois littéralement nous paralyser, jusqu’à devenir des obstacles à la réalisation de nos envies les plus profondes. Vivre en anticipant la ou les prochaines catastrophes n’est une vie. Aligner les points d’interrogation à l’infini transforme nos vies en enfer, sans espoir et sans lumière.

Par Sylvie Lauzon, Journaliste

 

Il nous faut donc comprendre réellement et profondément ce qu’est l’anxiété. Il nous faut la pressentir, la ressentir et surtout ne plus l’ignorer.

À force de lui montrer la porte, et de la pousser hors de nos vies, le plus loin possible, elle résiste et se rebelle jusqu’à exploser. Les dommages peuvent être irrémédiables. L’anxiété est une émotion que tous les êtres humains ressentent. Encore nous faut-il la reconnaitre avant de l’apprivoiser.                                                                                                                             

Une médecine de l’intérieur
Sophie Maffolini, une jeune médecin de famille pas comme les autres, vient d’écrire un livre sur l’anxiété. Elle sait de quoi elle parle puisque l’anxiété a été le fil conducteur de sa vie depuis qu’elle est toute petite. Elle n’a pas obtenu son doctorat en anxiété sur les bancs de l’école, mais bien plutôt à l’université de la Vie.

Elle s’est donné comme mission d’aider les autres, de pratiquer la médecine autrement. La rencontrer, c’est un peu comme prendre conscience que le ciel existe, qu’il est là présent dans chacune de nos vies et que lorsque l’on se regarde de l’intérieur, on ne peut que se trouver beau. Sa pratique de la médecine est itinérante, se déplace d’une conscience à l’autre. Bienvenue dans l’univers de Sophie Maffolini. 

DES RITUELS ENCORE DES RITUELS

Sophie Maffolini est une enfant sensible et intelligente, à l’écoute des autres. Toute petite déjà, elle prenait soin des autres. Première de classe, elle se met de la pression sur les épaules. Elle veut toujours tout réussir à la perfection.

« Quand je repense à moi petite, il y avait plein de signes qui indiquait que j’étais anxieuse. Je faisais beaucoup d’eczéma et parfois de l’asthme. J’avais peur que la maison brule, que mes parents meurent. J’étais anxieuse, mais ça ne paraissait pas trop. L’anxiété, même chez les enfants, se vit beaucoup à l’intérieur. Tout se passe dans notre tête. Je pense que c’est quelque chose qui peut être difficile à percevoir, même pour un parent averti. Je réussissais à l’école, je ne faisais pas trop de bruit, mes parents ne se sont donc pas rendu compte tout de suite de mes difficultés. » 

L’anxiété peut prendre toutes sortes de formes, naitre d’un petit rien. Il suffit parfois d’un mot ou d’un geste qui peut sembler anodin à la personne qui le pose pour que petit à petit toutes sortes de peurs s’installent et grandissent jusqu’à prendre toute la place. 

C’EST QUOI L’ANXIÉTÉ? 

L’anxiété, comme la joie ou la colère, est une émotion normale ressentie par tous les êtres humains. C’est facile de ressentir de la joie, de la manifester et de la comprendre, mais devant l’anxiété on se sent souvent impuissant. On ne comprend pas ce qui se passe, on ne la laisse donc pas entrer chez soi. Pourtant, l’ignorer, la pousser dehors, c’est renier une partie de nous-mêmes. C’est se condamner à l’aggravation de ses manifestations. L’anxiété est une émotion, et comme toutes les autres émotions elle présente plusieurs facettes. À nous de regarder notre anxiété en face, de l’apprivoiser et de la mettre à notre service. Nous avons tort de croire que nous n’avons pas de contrôle sur l’anxiété et que nos inquiétudes ne vont jamais s’arrêter.

On met du temps à construire des mécanismes de défense et de protection. On doit en mettre également pour les déconstruire. La présence bienveillante du psychologue a permis à Sophie d’avancer en toute confiance. De mettre en place un plan d’action. Comme elle le dit souvent dans ses livres et sur les réseaux sociaux : « développer une relation saine avec l’anxiété, c’est l’accueillir et ne plus la rejeter ».

 « J’aime comparer l’anxiété saine à une randonnée à vélo. J’aime faire du vélo. Quand je me promène à vélo et que je vois un obstacle, je ralentis ou le contourne, mais je continue à pédaler, à apprécier ma randonnée et à avoir du plaisir. Si au contraire, au lieu de rouler avec mon vélo, je ne l’enfourche pas et que je reste debout à côté en anticipant tout ce qui pourrait mal se passer, je me prive de pratiquer une activité que j’aime en anticipant des catastrophes qui n’existent pas encore et qui ne se produiront probablement jamais. On vit tous de l’anxiété à différents degrés. La plupart des gens trouvent ça laid. Ils vont donc barricader l’anxiété dans un recoin intérieur ou l’empêcher d’entrer dans leur maison. Mais l’anxiété ne disparaitra pas, elle grandira et cognera à la porte jusqu’à ce qu’on y réponde. Je suggère plutôt de garder l’anxiété près de soi, de développer une relation douce et amicale avec cette émotion, de l’accueillir à notre table, de l’entendre et de la laisser repartir jusqu’à la prochaine fois. »

RESTER EN CONTACT AVEC LA RÉALITÉ

« Penser que l’anxiété nous aide à régler nos problèmes, à être mieux préparés, penser que nous préoccuper pour les gens c’est prendre soin d’eux n’est pas constructif. Dans ces cas de figure, l’anxiété devient comme un coquillage que l’on place sur son oreille pour en entendre les chuchotements. On laisse alors subtilement notre anxiété nous parler longtemps, bien trop longtemps. Quand on s’inquiète pour nous ou pour les autres, c’est en relation avec le futur. Les problèmes n’existent pas encore, et peut-être n’existeront-ils jamais. »

À force de fréquenter les sentiers du peut-être, on en oublie tout ce qui est possible. L’anxiété est une émotion et à ce titre nous devons apprendre à vivre à ses côtés. L’anxiété a sa place dans notre jardin intérieur comme toutes les autres émotions qui nous habitent. En apprenant à y prêter attention, en écoutant ce qu’elle a à nous dire, nous pourrons avoir accès à des trésors d’informations sur qui nous sommes. L’anxiété peut devenir une alliée bienveillante.

D’ailleurs, Sophie ne se doutait pas que son second livre parlerait de l’anxiété. Après avoir publié Méditer sans complexe, elle pensait plutôt écrire sur l’anorexie, mais le thème de l’anxiété revenait tout le temps. Son webinaire : l’anxiété sans complexe a touché beaucoup de gens et a été très populaire.

« En préparant mon webinaire, en répondant aux questions des gens, j’ai clarifié ma mission. J’ai aussi réalisé que l’anxiété a été pendant longtemps l’un des fils conducteurs de ma vie sans que je m’en rende vraiment compte. Pour être capables d’accepter l’incertitude dans nos vies, nous devons commencer par reconnaitre notre besoin de certitude. Ensuite, nous pourrons reconnaitre que nous nous servons de l’inquiétude pour arriver à nos fins.  

FAIRE UN VOYAGE DONT LA DESTINATION EST INTÉRIEURE

« Dans la vie, il y a le regard que nous avons de nous-mêmes et le regard des autres qui sont des regards portés vers l’extérieur et qui colorent la perception que nous avons de nous-mêmes. À l’inverse, la méditation en pleine conscience nous invite à changer de perspective, à regarder vers l’intérieur. Ce voyage à l’intérieur, m’a fait voir la magie de mon corps, à quel point il fonctionne parfaitement. En huit mois, je me suis guérie de l’anorexie. J’ai développé une relation amicale avec mon corps. Je me suis regardée et vue autrement qu’à travers la réflexion du miroir. »

« Chaque jour peut être le plus beau moment de notre vie. Pendant cette période, j’ai vécu une sorte d’illumination. Je me levais tôt, je lisais, j’écrivais, je faisais du yoga, du sport. Je me souviens d’une belle journée ensoleillée où je suis sortie courir. Pour la première fois, je courrais, non pas pour perdre le gras de mon corps, simplement pour le plaisir de courir. J’avais ma musique dans les oreilles, je respirais à fond. Moi qui n’aime pas tellement courir d’habitude, j’ai couru plus longtemps, et j’y ai vraiment pris plaisir. »

« C’est le pouvoir transformateur de la pleine conscience. J’ai réalisé que j’avais vécu toute ma vie inconsciente, sur le pilote automatique. J’ai appris à m’observer de l’intérieur, à regarder mon corps de l’intérieur, à me voir vraiment telle que j’étais. Ma nouvelle devise a été de m’aimer d’abord, aimer les autres ensuite. »

Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article

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