Être en phase avec la boussole qui indique mon nord
À la première page de mon livre, je raconte ce malaise que j’ai senti dans mon cabinet rempli de patients, alors que, sans crier gare, je me suis retrouvé littéralement face à un mur de briques. Quelque chose ne fonctionnait plus. J’étais épuisé, même si tout « fonctionnait bien ». Sur papier, extérieurement, tout paraissait vraiment parfait, mais en moi, il y avait une petite voix qui me disait : Christophe, arrête! Tu n’en peux plus. Vous voyez, ce malaise est peut-être le seul critère qui nous montre le leurre.
Par Sylvie Ouellet, Auteure, conférencière et formatrice
Christophe Fauré, psychiatre, spécialisé dans l’accompagnement des divers deuils de la vie, a un parcours hors du commun. Il a côtoyé la mort, la détresse, la souffrance, mais aussi le silence, la paix et la sérénité que procure la vie monastique bouddhiste.
Dans sa quête de sens, il a renoncé à tout, y compris sa profession, mais il a trouvé bien plus en retour. Il a accepté de nous confier avec grande humilité ce chemin qui l’a propulsé au cœur de son être.
Comment la spiritualité s’est-elle intégrée à ce cheminement?
J’avais besoin de comprendre parce que je perdais pied dans cette configuration de sauveur où je ne répondais pas du tout à mes besoins premiers. Je m’épuisais intérieurement parce que mon travail en accompagnement de fin de vie et en soins palliatifs n’était ni ressourçant ni lumineux. Il ne portait pas ce sens profond de la vie et de ce qui survient après la mort.
Il manquait une pièce du puzzle – la spiritualité – que j’ai trouvée lors d’une rencontre avec un lama occidental bouddhiste de la tradition tibétaine qui vivait dans un monastère dans le sud-ouest de la France. Je me suis alors plongé dans cette approche qui m’apportait des réponses apaisantes sur la connaissance de la fin de vie et de la continuité de la conscience.
Comment est-il possible de rester cohérent avec soi-même?
Cela requiert d’avoir identifié nos boussoles intérieures en fonction des référentiels qui construisent notre vie. Certains seront axés sur la carrière, le pouvoir, l’argent ou la vie de famille. Pour ma part, je m’en réfère aux vertus bouddhistes (paramitÄ) telles que la générosité, la patience, l’éthique, la sagesse, la méditation, l’effort. Elles sont présentes dans toutes les traditions spirituelles.
Cela me permet, d’instant en instant, d’être vigilant face à ce qui se passe en moi dans mes paroles, mes pensées, mes actes, pour voir si je suis toujours dans l’axe de mes boussoles. C’est un peu comme si je me demandais : est-ce que je suis en phase avec la boussole qui indique mon nord ou, plus symboliquement, « mon or »?
Et si je ne le suis pas, suis-je suffisamment attentif aux signaux intérieurs ou extérieurs qui me le montrent ? Les signaux intérieurs sont de l’ordre d’un malêtre, une angoisse, un stress; les signes extérieurs montrent un dysfonctionnement, un pneu crevé par exemple. Ces situations intérieures ou extérieures qui coincent me montrent que les choix, les paroles ou les positions que je suis en train de prendre ont une dissonance par rapport à ce qui est juste par rapport à mon chemin de vie.
Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article